Combats légendaires et quête intérieure : les arts martiaux d’Asie se dévoilent au Musée du Quai Branly

Après nous avoir fait plonger dans l’univers fantastique des fantômes d’Asie il y a deux ans, le Musée du Quai Branly propose avec l’exposition Ultime combat un regard croisé sur les arts martiaux de cette partie du monde. Les visiteurs entament un voyage initiatique à travers un art qui semble parfois bien connu grâce à la culture populaire pour en redécouvrir les origines, plus profondes, religieuses et spirituelles. Tokonoma vous propose un aperçu des principales thématiques abordées lors de ce parcours !

Art martial et politique

Skanda, dieu de la guerre, 16e – 17e siècle, bronze, Tamil Nadu, MNAAG – photographie Mathilde Rétif

             

En Asie, des liens étroits unissent historiquement, ou parfois de façon légendaire, les arts martiaux au pouvoir. Ainsi, en Inde, l’élite dirigeante (kshatriya) assied son pouvoir par l’iconographie martiale : aux combats humains se substituent des luttes divines pour chasser les démons et rétablir l’ordre cosmique (dharma). Les épopées comme le Ramayana et le Mahabarata renforcent le devoir guerrier des dirigeants et appuient leur rôle dans le maintien de l’équilibre du monde.

              

Moines à l’entraînement, reproduction par David Leffman de peinture murale, 18e siècle, d’après un vestige du premier temple shaolin – photographie Mathilde Rétif

En Chine, l’implication des moines shaolin dans les conflits politiques se retrouve en faveur de la dynastie Tang (une stèle de 728 en atteste le rôle dans les campagnes menées contre la dynastie des Sui). Quelques siècles plus tard, le monastère rayonne encore davantage grâce aux liens entretenus avec la dynastie Ming. Si les conflits entre le monastère et la dynastie mandchoue Qing qui lui succède ne sont pas clairement attestés, ce centre religieux et martial est toutefois devenu le symbole du sentiment anti-mandchous qui s’est développé dès le XVIIe siècle.

Gardes de sabre, 18e – 19e siècles, époque Edo, Japon, métal laqué et doré, Paris, Musée Cernuschi – photographie Mathilde Rétif

Au Japon, la question martiale est affiliée à la classe dirigeante. Elle se pose en contrepied de l’aristocratie et de la cour impériale jusqu’à former un gouvernement parallèle, le bakufu. A partir du shogunat des Tokugawa (1603), le système politique est verrouillé de sorte que la période est marquée par une paix durable. Les arts martiaux se retirent des champs de bataille pour devenir l’une des clés de développement spirituel.

Art martial : corps et univers

Mannequin d’acupuncture, 18e – 19e siècle, dynastie Qing, Chine, carton laqué, Paris MNAAG – photographie Mathilde Rétif

Les trois religions prédominantes en Asie (bouddhisme, taoïsme et confucianisme) inscrivent le corps humain et son fonctionnement au sein de l’univers qui l’entoure. Les analogies tissées entre ces deux échelles permettent aux arts martiaux d’agir sur le corps et de réguler les énergies qu’il reçoit. Les planches anatomiques présentées dans le parcours rendent compte de cet enchevêtrement entre microcosme et macrocosme. Tandis que les arts externes combinent une maîtrise physique et musculaire à une maîtrise du souffle vital (qi), les arts internes puisent davantage dans la force intérieure (jing). Maîtriser l’art du combat permet à celui qui le pratique de fusionner avec les énergies environnantes et de trouver un équilibre interne.

Portrait de maître Jigoro Kanô, photographe inconnu – domaine public

Au Japon, le mouvement zen s’impose dans les classes guerrières. Les pratiques de la cérémonie du thé et des arts du combat entrent en résonance avec les principes de cette branche du bouddhisme : dans la recherche de soi, la maîtrise d’une arme comme le prolongement de son propre corps dans l’espace est centrale. Cet entrainement pose les jalons d’une ligne de conduite qui aspire à la persévérance, l’humilité, la simplicité, le contrôle de soi et la modestie… Autant de codes qui seront repris par les techniques martiales codifiées sous l’ère Meiji, notamment par le père du judo, Jigoro Kanô (1860-1938).

Arts martiaux d’Asie : revendication identitaire et diffusion internationale

Les arts martiaux d’Asie sont le fruit des croyances et pratiques locales qui se sont développées et enracinées au fil des siècles. Ces techniques, plus particulièrement les arts chinois et japonais, vont pourtant dépasser leurs frontières pour gagner les autres continents. Cette diffusion fulgurante s’explique en grande partie par le grand écran qui devient un passe-temps de plus en plus consommable par un large public. L’Occident découvre des pans entiers de culture, de savoir-faire et de pensée du continent asiatique.

La vitesse des mouvements exécutés par Bruce Lee repousse les limites techniques du septième art et oblige la caméra à filmer plus de mouvements par seconde. La renommée internationale des acteurs comme Gordon Li et Jet Li offre une renaissance à l’antique temple Shaolin : tombé en désuétude sous la dynastie Qing, ce dernier rouvre en 1981 et l’enseignement de la pratique martiale y retrouve sa place.

Le cinéma japonais, quant à lui, puise dans le théâtre kabuki et exalte la caste des samourai et le bushidô, voués à disparaître par la restauration de l’empereur Meiji et l’industrialisation de l’archipel.

L’exposition amorce un parcours de plusieurs siècles, à la découverte des techniques martiales et de leurs origines. De salle en salle, le visiteur en savoure toute la complexité et apprécie l’héritage de ces combats. Mais plus encore, il découvre la profonde quête spirituelle insatiable de leurs pratiquants, ultime combat de ces arts martiaux d’Asie !

Pour en savoir plus :

  • Retrouvez toutes les informations sur l’exposition en cliquant ici
  • Ultime combat : arts martiaux d’Asie, catalogue d’exposition, Musée du Quai Branly, 2021, édition Réunion des Musées nationaux.

Image de couverture : Lady Snowblood, détail, Kazuo Kamimura, 1973, encre de Chine, gouache et aquarelle sur papier, dessin pour la couvrture d’un album de la série Lady Snowblood, éditions Studio Ship (Orion Publishing), © Kazuo Koike / Kazuo Kamimura. Remerciements MEL Publisher

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