Tokonoma t’invite à la découverte des croyances et courants de pensée d’Asie, avec une introduction sur le Japon et sa religion la plus ancienne: le shintoïsme. À la fois polythéiste et animiste, le shintō est un ensemble de croyances, pratiques anciennes parcourant l’histoire japonaise. Encore pratiqué de nos jours, il est une composante majeure de la culture japonaise.
Le shintō et l’importance du respect des Kami
Le shintoïsme ou shintō est la religion autochtone du Japon. Shintō神道 signifie « la voie des dieux ». Dieux appelés kami神, ils sont dans une conception animiste des forces divines habitant la nature.
Il n’y a pas de date d’apparition du shintoïsme, il est plutôt la lente évolution de pratiques remontant à des périodes anciennes sans écritures. Il n’y a pas de textes sacrés, d’enseignements ou de saints, contrairement au bouddhisme. Les notions les plus anciennes sont l’importance des rites agraires et de la pureté. Vous avez peut-être déjà remarqué près des temples l’omniprésence de l’eau ? Elle marque l’importance de se purifier par des ablutions.

Les temples shintō sont souvent sobres dans leur architecture, le culte se concentrant autour de l’objet incarnant la présence du kami symbolisé par des miroirs, épées ou ornements, cachés aux fidèles. Les rites peuvent s’accompagner de danses, musiques, théâtre et sports comme le tir à l’arc, les courses à cheval ou le sumo. Ponctuellement des fêtes, matsuri, sont organisées avec des processions publiques où l’on transporte dans un palanquin l’objet de dévotion.
L’entrée du temple shintō est marqué par un ou plusieurs torii. Ces portiques rouges très caractéristiques marquent la frontière entre monde physique et surnaturel, l’entrée du territoire du kami. Le nombre peut être démultiplié pour former des couloirs, comme ici au sanctuaire Fushimi Inari à Kyōto, véritable carte postale du Japon.
La diversité des kami
Les kami peuvent être des dieux personnifiés, des divinités protectrices (des maisons, commerces, ateliers) ou même des principes divins (des lieux, phénomènes naturels). La figure majeure reste Amaterasu, déesse du soleil symbolisé sur le drapeau national par un disque rouge. Elle fait partie des kami qui participent de la création du monde. Tu as peut être aussi déjà entendu d’Inari. La déesse renard, protectrice des récoltes et dans la culture populaire très connue. C’est un kami ambiguë et trompeur pour les hommes. Tu reconnaîtras un lieu dédié à Inari par les statues de renards blancs.

Il est impossible de dénombrer la quantité de kami. Même un élément naturel peut être une force divine. Au XIIIe siècle, le vent qui repousse l’armée mongole deux fois des côtes japonaises est appelé kami kaze 神風, « vent divin ». Le Mont Fuji est aussi considéré comme un kami.
Un être humain peut également être considéré comme un kami ! Sugawara no Michizane, un aristocrate de la période Heian, reconnu pour ses talents de poète, est devenu un kami populaire sous le nom de Tenjin. Mort en exil, les catastrophes naturelles — déluges, épidémies, foudre — qui s’abattent sur le palais impérial sont attribuées à son esprit courroucé. Un temple lui est consacré : le Kitano Tenman-gū. Aujourd’hui, un culte lui est toujours rendu. Il est le protecteur des arts et des lettres mais aussi des étudiants, qui le prient en période d’examens. Tu sais donc ce qu’il te reste à faire !

La synthèse japonaise entre shintoïsme et bouddhisme
L’arrivée du bouddhisme au VIème siècle influence les traditions et les pratiques religieuses au Japon. En réaction au bouddhisme, le shintō se hiérarchise et se dote de représentations figuratives. Mais l’opposition entre shintō et bouddhisme est principalement politique, entraînant en 587 un conflit important au sein de l’aristocratie entre les Soga et Mononobe, qui se conclut sur la déclaration du bouddhisme comme religion d’état en 592. Par la suite, le shintō s’agrège au bouddhisme. Il n’est pas étonnant de retrouver des autels shintô au sein de structures bouddhiques. Certaines divinités reçoivent un culte shintō-bouddhique, les divinités shintō deviennent alors des émanations de figures bouddhiques.

Par exemple, Zao Gongen, divinité shintō, est considérée comme une émanation du bouddha historique Shaka en japonais (Shakyamuni en sanskrit) et du bouddha du futur Miroku (Maitreya).
Le shintō demeure une composante importante de l’état japonais, car il appuie le pouvoir de l’empereur. Celui-ci serait le descendant de Amaterasu, déesse du soleil qui aurait introduit la pratique de l’agriculture. Pendant l’ère Meiji, de 1868 à 1945, le shintō devient temporairement religion d’état. Aujourd’hui, la cour impériale rend encore des rites shintō.

Le shintoïsme est toujours pratiqué de nos jours, et fait toujours partie du paysage culturel japonais et de son folklore. Il est fréquemment évoqué dans l’art et notamment dans le cinéma d’animation, dans des films comme Le Voyage de Chihiro du studio Ghibli ou Le Garçon et la Bête du studio Chizu.
Le shintoïsme exprime le respect des Japonais face à la nature et à ses manifestations parfois terrifiantes. C’est également un des facteurs de l’esthétique japonaise. Les fêtes officielles, dédiées à la montagne, à la mer ou à l’équinoxe de printemps, démontrent encore ce regard tourné vers la nature. Le shintō, avec le bouddhisme, ponctue la vie quotidienne des Japonais.
Quelques conseils bibliographiques :
Nouvelle histoire du Japon, Pierre François Souiry
Les dieux du bouddhisme, Louis Frédéric, coll. Tout l’art, Flammarion
« Shintō »,Heilbrunn Timeline of Art History, New York, The Metropolitan Museum of Art, October 2002
Storytelling in Japanese Art, Watanabe, Masako, New York, MetPublications, 2011
Traditional culture, The Imperial Household Agency
Shinto Shrines, Japan National Tourism Organization
Une vidéo d’une cérémonie shintō à l’Asian Art Museum de San Francisco :
Image de couverture : Ogata Korin (1658 – 1716), Dieu du vent et dieu du tonnerre, XVIIème siècle, encre, couleurs et or sur papier, 164.5 x 181.8 cm, Tokyo National Museum
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