L’exposition « Fendre l’air » qui s’est tenu du 27 novembre 2018 au 7 avril 2019 au Musée du Quai Branly – Jacques Chirac a été une véritable découverte qui a transporté le public vers un art encore méconnu en France. Aujourd’hui, nous vous proposons de poursuivre cette expérience avec l’exposition « Ōita » présentée à la galerie Mingei.
Aux sources d’une tradition artistique
La vannerie en bambou est l’une des plus anciennes techniques attestées au Japon. Ce n’est qu’à la fin du XIXème siècle que certains kagoshi (artisans spécialisés dans la création de vannerie de bambou) orientent leur production vers les paniers à fleurs (hanakago, morikago, kakehanaire, etc.) afin de répondre à une demande croissante des bujin (lettrés).

Au nord de l’île de Kyūshū, la préfecture d’Ōita est réputée pour ses forêt de bambous : c’est tout naturellement que nait un artisanat à destination du quotidien. La région, en particulier la ville de Beppu, est l’une des plus riches en sources chaudes, transformées en onsen – bains et stations thermales réputées pour leurs valeurs thérapeutiques. Elle connait un développement touristique important à la fin du XIXe siècle qui conduit à un boom de la petite industrie du bambou.

Elle bénéficie également de l’intérêt que porte le Gouvernement central de Meiji à faire connaître dans le monde entier les savoir-faire japonais à l’occasion événements internationaux (Hayakawa Shōkosai III remporte un prix à la Foire internationale d’Arts ornementaux et appliqués de Paris en 1874). Cette émulation encourage les artisans à produire des objets de plus en plus qualitatifs ; certains kagoshi subliment cette production en œuvre artistique.
Entre tradition et contemporanéité : 12 artistes de la province au service du renouvellement artistique
Le succès de la production artistique dans la province d’Ōita repose sur l’étroite relation maître/élève, renforcée par des écoles de formations où les enseignants sont issus de longues traditions de vanniers : l’Ecole d’apprentissage technique de Beppu (1902) est la première institution à dispenser cet enseignement. Shōno Shōunsai (1904-1974) est l’un des artistes les plus emblématiques de la région, il est le premier artiste du bambou à être nommé Trésor national vivant en 1967. Son influence est palpable auprès d’Abe Motoshi, son disciple, l’un des douze artistes exposés à la galerie Mingei. Les œuvres de Yokoyama Osamu, à la croisée de l’architecture miniature et du graphisme, la légèreté et la transparence des tressages de Morigami Jin, les œuvres complexes de Taniguchi Michito incarnent l’esprit d’innovation et de liberté de création qui souffle sur la région.
Furai, Abe Motoshi, bambou madake, rotin et laque, 2016, Galerie Mingei Babylon, Yokoyama Osamu, bambou madake, 2018, Galerie Mingei Ryurei, Morigami Jin, bambou madake, laque, 2019, Galerie Mingei Hitotoki, Taniguchi Michito, bambou madake, rotin et laque, 2019, Galerie Mingei
La galerie met également en valeur des œuvres tournoyantes de Sugiura Noriyoshi ou encore la savante géométrie des créations de Nakatomi Hajime. Les lumières jouent avec la merveilleuse matière qu’est le bambou, projetant des ombres qui ajoutent à la beauté envoutante de ces sculptures aériennes.
Okimono obuje uneri, Sugiura Noriyoshi, bambou madake, laque, 2018, Galerie Mingei Prism triangle, Nakatomi Hajime, bambou madake, rotin, poudre de riz, laque, 2019, Galerie Mingei
Zoom sur l’artiste Yonezawa Jirô :
La galerie offre une place privilégiée à l’artiste Yonezawa Jirō, l’une des plus grandes révélations de l’exposition « Fendre l’air ».
Originaire de la préfecture d’Ōita, l’artiste pratique son art depuis plus de trente-cinq ans. Il étudie au centre de formation professionnelle de Beppu puis à l’institut de recherche d’art industriel d’Ōita. Il séjourne pendant près de vingt ans aux Etats-Unis, où il s’imprègne de différents mouvements artistiques américains. En 2008, il revient dans son village natal pour y installer son atelier.

L’artiste continue de faire sensation avec le rouge flamboyant qui caractérise une grande partie de sa production. Cette couleur si particulière accroche le regard du visiteur pour mieux le faire plonger dans la virtuosité de ses compositions. C’est le cas de cette colonne de feu Hibashira d’un mètre de haut et qui matérialise le tourbillon incandescent par l’entrecroisement ascendant des multiples tiges de bambou.
Pour en savoir plus :
- Galerie Mingei : 5 rue Visconti, 75006 PARIS ; voir le site internet
- Vous pouvez également visionner en ligne le catalogue de l’exposition ici
Image de couverture : Daruma, Yonezawa Jirō, bambou madake, métal et laque, 2019, Galerie Mingei.
Note de l’auteur : toutes les photographies des œuvres ont généreusement été données par la galerie Mingei.