Guide pratique pour reconnaître un yūrei

Le Japon regorge de monstres et de spectres. Les yūrei désignent les fantômes de personnes qui ont vu leur destin brisé de façon injuste et brutale. Nous vous proposons ici de vous donner quelques clés pour les reconnaître !

Yūrei ? Vous avez dit yūrei ?

Pour reconnaître un yūrei, c’est simple : il n’a pas de jambes ! L’origine de cette absence tient au fait que le fantôme n’appartient plus au monde des vivants et ne partage donc plus le même sol qu’eux. Mais il ne peut pas non plus accéder au monde des défunts, ce qui lui confère cette position flottante, bloqué entre deux mondes, condamné à errer sans fin. Le nouveau canon du fantôme est fixé par Maruyama Ōkyo (1733-1795).

Le fantôme d’Oyuki, Maruyama Ōkyo , 1785, encre et couleurs sur soie, Berkeley Art Museum & Pacific film Archive, Berkeley, Domaine public.

 Le plus souvent, un yūrei   est également reconnaissable grâce aux caractéristiques suivantes :

  • Un long kimono blanc, réservé aux morts : le kyōkatabira
  • Un ornement de tête blanc, triangulaire : le hitaikakushi
  • De longs cheveux noirs et raides, lâchés
  • Les bras pendants
  • Une expression de folie, de rancœur, ou du moins de mélancolie
  • Ils sont parfois accompagnés de hitodama (littéralement « être fantomatique »), sorte de feux-follets, dont l’apparition signifie bien souvent la présence d’un évènement surnaturel. Les hitodama prennent l’apparence de boules luminescentes, flottant dans les airs.

Si par hasard vous rencontrez une personne qui rassemble tous ces critères… Fuyez avant que sa malédiction ne vous atteigne !

Impossible de proposer une description des yūrei sans relater quelques récits incontournables ! Nous vous proposons donc deux histoires de fantômes que vous pourrez réutiliser pour effrayer votre auditoire… Un atout indispensable pour la période d’O-bon qui arrive à grand pas (juillet ou août en fonction des régions du Japon) !

Le fantôme d’Oiwa

« Le fantôme d’Oiwa », Hyakumonogatari, Katsushika Hokusai, 1831-1832, xylographie imprimée en couleurs, Domaine public.

En 1824, Tsuruya Nanboku IV (1755-1829) écrit ce qui va constituer un véritable jalon pour les histoires de revenants, Tōkaidō Yotsuya Kaidan. Cette pièce relate l’histoire tragique d’Oiwa, amoureuse de Iemon, un samurai. Après avoir assassiné le père d’Oiwa, Iemon trompe cette dernière et parvient à l’épouser. Mais une autre femme, Oume, fille d’un seigneur, le convoite. Elle administre alors un puissant poison à Oiwa afin de la défigurer et d’éclipser sa rivale. Après avoir vu sa femme défigurée, Iemon commande à l’un de ses amis de la violer, ce qui lui donne ainsi une bonne raison pour la répudier. Voyant son visage brûlé par le poison et cherchant à fuir son attaquant, Oiwa se tranche accidentellement la gorge. Baignée dans le sang, elle maudit le nom de Iemon et revient ensuite le hanter.

Le conte de la lanterne pivoine

Botan Dōrō, illustration de Tsukioka Yoshitoshi, vers 1889-1892, encre et couleurs sur papier, Domaine public.

Le conte « Botan Dōrō » est tiré du recueil Otogi Bōko, écrit en 1666 par Asai Ryōi. Ce dernier réinterprète un ensemble de textes chinois plus ancien, le Jiandeng Xinhua, écrit en 1378. Un jeune couple est brisé par la mort tragique de la jeune femme, d’une grande douceur et d’une beauté incomparable. Le jeune homme est inconsolable et erre jour et nuit sans trouver la paix. Un soir, il aperçoit sa bien-aimée, accompagnée de sa suivante, éclairée à la lueur d’une lanterne. Fou de joie, le jeune homme l’invite chez lui. Chaque soir, tous deux consomment leur amour mais la belle disparaît au lever du jour. Un voisin intrigué espionne le jeune homme par le trou de la serrure. Ce qu’il découvre le pétrifie sur place : alors que le jeune amant, aveuglé par l’amour et le désespoir, voit sa femme dans toute sa beauté, c’est en réalité un squelette qui se tient à ses côtés. Le voisin demande de l’aide aux moines bouddhistes pour mettre fin à cette relation macabre. Ces derniers placent des talismans pour empêcher le yūrei d’approcher la maison. Résigné, le jeune homme demande à passer une ultime nuit dans les bras de sa défunte promise… Il est retrouvé mort au lever du jour, sa vie aspirée par sa maîtresse spectrale.

Les fantômes et leurs malédictions sont terrifiants, mais leurs représentations servaient, à l’origine, à éloigner le mauvais œil ! Le spectre est-il votre meilleur allié ou votre pire cauchemar ?

Pour en savoir plus :

Hearn, Lafcadio, Kwaidan, Mercure de France, coll. « Petit Mercure », 02/10/1998, Paris.

Ueda Akinari, Contes de la pluie et de la lune, 1776, série Connaissance des arts, Gallimard, édition 2017.

Ayakashī : Japanese Horror Story, 2006, réalisation de Testuo Imazawa, Hidehiko Kadota et Kenji Nakamura, Japon, Toei Animation.

Image de couverture : Le fantôme d’Oyuki (détail), Maruyama Ōkyo, 1785, encre et couleurs sur soie, Berkeley Art Museum & Pacific film Archive, Berkeley, Domaine public.

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