L’histoire de la Chine n’est pas en reste quand il s’agit d’intrigues et d’histoires sanglantes. Découvrez aujourd’hui la légende noire de Wu Zetian, qui de simple concubine est parvenue à s’élever au rang d’impératrice…
Séduire l’empereur
C’est vers l’âge de quatorze ans que la jeune Wu Zetian (624-705) serait entrée au Harem impérial, sous le règne faste de l’empereur Tang Taizong (597-649). A la mort de ce dernier, la jeune fille est, comme les autres concubines, envoyée dans un monastère bouddhique, ainsi que l’exigent les conventions du deuil sous la dynastie Tang (618-907). Elle n’y restera pourtant que trois ans. Certaines sources rapportent que c’est lors d’un pèlerinage que Gaozong (r. 649-683), fils de Taizong et nouvel empereur de Chine, tombe à son tour sous le charme de l’ambitieuse Wu Zetian. Elle retourne alors à la cour et entame une ascension sociale dans laquelle tous les coups sont permis.
Prendre le pouvoir
Forte de son influence sur l’empereur, Wu Zetian poursuit un objectif : passer du statut de concubine à celui d’impératrice. A force d’intrigues, elle parvient à écarter (comprendre : exiler, emprisonner, exécuter) les autres concubines, ainsi que les conseillers qui s’opposent à sa présence auprès de l’empereur. Elle étrangle ensuite de ses propres mains son enfant nouveau-né pour faire accuser l’impératrice en place, qui venait de lui rendre visite. C’est ainsi que Wu Zetian obtient que l’épouse de Gaozong soit dégradée, et prend sa place en tant qu’impératrice. De concubine reléguée dans un couvent, la voilà régnant sur l’Empire du milieu.
Moi, impératrice…

Les annales des Tang rapportent que Wu Zetian parvient rapidement à exercer le pouvoir effectif au détriment de l’empereur Gaozong, qui décède en 683 sans témoins, alors qu’on le pensait pourtant rétabli d’une longue maladie. Agée de soixante-cinq ans en 690, Wu Zetian passe à la vitesse supérieure. Elle dégrade l’empereur Zhongzong, son fils, au titre de prince hériter et usurpe finalement le pouvoir en son nom. Wu Zetian fonde ainsi sa propre dynastie, très éphémère, celle des Zhou (690-705). Quelques années plus tard, devant le mécontentement de l’opinion publique et face aux menaces de royaumes vassaux , elle rend finalement à son fils le titre d’empereur, mais conserve en pratique le pouvoir. C’est finalement un complot qui finira par avoir raison de Wu Zetian. Ses opposants la surprennent une nuit dans son sommeil et lui mettent le couteau sous la gorge pour la contraindre d’abandonner le pouvoir. Ainsi abdique-t-elle le 22 février 705, pour mourir – de dépit dit-on – quelques mois plus tard, à l’âge de quatre-vingts un ans.
Moi, Boddhisattva…
Il serait néanmoins partial de limiter Wu Zetian à son caractère parfois un peu violent. L’impératrice est également très pieuse ! Et pour cause, elle est convaincue d’être la réincarnation du boddhisattva Avalokiteshvara (Guanyin en chinois), cette divinité bouddhique que l’on appelle aussi le « Boddhisattva de la compassion »… Son règne et celui de Gaozong sont ainsi une grande période de faste pour les arts bouddhiques. C’est elle qui commande le très célèbre Grand Bouddha des grottes de Longmen, dont le visage aurait été sculpté à son image . Cette identité divine contestable est aussi sans doute pour Wu Zetian une façon de revendiquer un mandat céleste, raison pour laquelle elle se fait appeler humblement « Roue d’or, Divine impératrice de la sagesse ». Rien que ça.

Si les méthodes peu scrupuleuses de Wu Zetian ont laissé d’elle une image noire, l’empire chinois bénéficie néanmoins d’un développement important sous son règne. Les empereurs Tang connaitront au VIIIe siècle quelques autres déboires avec leurs concubines et épouses. Celle de Zhongzong, inspirée par sa prestigieuse belle-mère, empoisonne son mari en 710 pour régner seule. Elle finira la tête sur une pique… Une fois pas deux !
Sources
GROUSSET, René ; Histoire de la Chine ; Histoire Payot ; 1994 ; 362p.
TWITCHETT, Denis; The Cambridge History of China, Volume 3 : Sui and T’ang China, 598-906, Part 1; Cambridge University Press; 1979; 854p.
Image de couverture : Wu Zetian, vue par l’illustratrice Clémence Trossevin.
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