Le Jōmon, un néolithique à la japonaise

Aujourd’hui, Tokonoma ouvre sa nouvelle série sur les grandes périodes japonaises inaugurée par une plongée dans le néolithique japonais, la période Jōmon.

Le Jōmon ou néolithique japonais est une période mal connue du grand public. Elle tient son nom des motifs des céramiques emblématiques de cette époque, des céramiques « à motifs cordés »  ou « jōmon » en japonais.Capture d_écran 2018-08-08 à 12.05.26
Elle s’étend sur la longue période allant de 10.000 à 300 avant notre ère. En comparaison, en 300 avant J.C la Chine connaît sa deuxième grande dynastie royale, celle des Zhou (1050- 221 avant JC). Mais cette délimitation chronologique ne concerne pas l’ensemble du territoire ! L’archipel est montagneux, certaines zones restent très longtemps isolées et n’accèdent aux nouvelles technologies (métallurgie, culture du riz) que tardivement. Hokkaido par exemple garde les mêmes coutumes héritées du néolithique jusqu’au VII°s de notre ère, on parle d’un épi-jōmon.

Vivre dans le néolithique japonais

Mais alors, à quoi peut bien ressembler une personne vivant au Jōmon ? Grâce à l’étude des populations voisines on peut supposer qu’elle mesure environ 150 cm de hauteur pour une femme et 155 cm pour un homme. Appartenant à la branche des populations proto-mongoloïdes (population d’Asie de l’est), l’homme du jōmon a une chevelure foncée, un petit nez, des pommettes saillantes. Il  porte des tatouages et se lime les dents, pratiques qui perdureront au Yayoi, la période suivante. Les populations du Jomon chassent à l’arc le gibier (lapins, cerfs, canards), récolte des végétaux (glands, noisettes, baies, champignons) et pratiquent la pêche et la navigation. Elles ont alors des contacts avec le continent mais moins qu’au paléolithique, période à laquelle une forte vague d’émigration est attestée. Leur consommation de produits de la mer est suffisamment intense pour qu’une des principales sources des archéologues soit des amas de coquillages de plusieurs mètres, sorte de poubelles préhistoriques. En ce qui concerne ses croyances, il est impossible de s’en faire une idée précise. Il est souvent tentant d’avancer des croyances chamaniques partagées sur le territoire.

L’originalité du jōmon

Les paradoxes du Jōmon sont ce qui en fait un néolithique original. Premièrement, on  relève la présence de céramiques sans agriculture alors que l’association de ces deux pratiques est fréquente. De plus, malgré l’aspect très travaillé, cette céramique aurait simplement servi comme contenant et non à des fins rituelles. Deuxièmement, la présence de chasseurs-cueilleurs sédentaires habitant des maisons semi-enterrées dans des villages d’une cinquante d’individus en moyenne n’est pas habituel du fait du manque de ressources se faisant généralement bien vite sentir. Un site archéologique dans la préfecture d’Aomori aurait pu, à son apogée, accueillir 500 personnes !

Les premiers arts japonais

Les productions artistiques du jōmon non plus ne manquent pas d’originalité et sont la principale source de l’archéologue. Les deux productions emblématiques de cette période sont les céramiques jōmon et les figurines appelées dogū. Elles sont produites et décorées à la main, puis placées dans des fours ouverts.

Les dogū sont des figurines en terre cuite produites tout du long du Jōmon sur l’ensemble du territoire mais avec de fortes variantes locales. L’originalité et l’esthétique de ces figurines sont extrêmement appréciées aujourd’hui. Généralement considérées de sexe féminin par la présence de poitrines, larges hanches, elles sont parfois surnommées « vénus jōmon ». Elles sont régulièrement retrouvées volontairement brisées et mises en terre à l’extérieur des villages, mais également intactes sous les habitats. Les décorations faites par incisions sont interprétées comme de potentiels tatouages ou scarifications, des ornements ou coiffes. Les formes géométriques et le jeu de proportions marqués des dogū sont une part importante de leur esthétique. L’interprétation de ces figurines est compliquée voire hasardeuse. Certains avancent une croyance aux esprits, d’autres proposent un culte domestique ou encore de la fertilité.

La céramique jōmon est une des plus anciennes au monde. Son nom est donné par Edward S. Morse, qui les découvre au XIX°s siècle dans un quartier de Tokyo. Il a été douté quelles soient datables du jōmon. Mais après la comparaison avec des pièces du continent, elles sont attestées et fait rendre compte que le jōmon est un néolithique innovant. Les céramiques jomon étaient produites au colombin, sans tour de potier, et décorées par pastillage, incisions et, faisant sa particularité, par des impressions de cordes sur la pâte encore fraîche. Les plus impressionnantes, les poteries à motifs flammés Kaen-shiki, apparaissent au jōmon moyen (3000 – 2000). Ce sont des grandes céramiques, très ornées avec des motifs interprétés aléatoirement comme vagues ou flammes. Elles sont très appréciées, comme les dogū, de nos jours pour leur esthétique presque moderne.

Le jōmon se conclut par de profonds changement dans le mode de vie des habitants avec l’arrivée de la métallurgie et de la culture du riz venus de la péninsule coréenne. Le Japon entre alors dans une nouvelle période où les dynamiques sociales semblent changer: le Yayoi. 

Pour aller plus loin:

Exposition Jōmon, du 17 octobre au 18 décembre 2018, maison de la culture au japon, Paris

Fukami, une plongée dans l’esthétique japonaise, du 4 juillet au 21 août 2018, Hôtel Salomon de Rothschild, Paris. Deux vases jomon y sont présentés dont un classé Trésor National.

Image de couverture : Poterie en forme de flamme, Trésor national, 3000 av. J.-C. – 2000 av. J-C., Tokamachi-shi (en dépôt au Tokamachi City Museum, Niigata), via Maison de la culture du Japon, Paris