Le « Guide anachronique de Kyoto » ou la salle de thé dans tous ses états

En août dernier, les éditions Arléa ont publié le Guide anachronique de Kyoto, un livre qui nous fait découvrir ou redécouvrir différents lieux de l’ancienne capitale impériale mais sous un jour nouveau. À travers son texte, ses anecdotes et des photographies, découvrez les aventures de Allen S. Weiss au cœur de Kyoto.

L’amour inconditionnel de la salle de thé

Pavillon de thé, jardin japonais de Toulouse. Wikimédia Commons.

Les premières pages du livre exposent rapidement un intérêt certain pour la salle de thé et par extension pour le pavillon de thé. Initié dans le chapitre « Seuils équivoques (la salle de thé) », le thé, la cérémonie, les objets qui la composent, la pièce, tout revient de manière sporadique dans un texte plein d’anecdotes et de connaissances qui s’entremêlent. Cette synergie permet au lecteur de parfaitement comprendre l’importance des différents éléments tout en ressentant l’engouement de l’auteur autour de ce que représente réellement la cérémonie du thé et ce qui la compose.

Allen S. Weiss, écrivain, essayiste et théoricien américain enseignant à la Tisch School of Art à la New York University, nous apparaît alors comme un véritable connaisseur dans le domaine. Entamant sa présentation par une anecdote tirée d’un livre de référence sur l’art japonais, il bascule progressivement sur la philosophie bouddhique zen qui est intrinsèquement liée à la cérémonie du thé. Ainsi, la cérémonie du thé permet l‘éveil spirituel par la simplicité matérielle. Et cette même « simplicité » se retrouve également dans la pièce qui lui est dédiée : la salle de thé (ou le pavillon).

En effet, cet espace combine les sept piliers de la sensibilité zen à elle seule, du moins en apparence. Elle expose ainsi l’asymétrie, la simplicité apparente des lieux, la sublimité austère, la naturalité, la profondeur subtile, l’absence d’attachement et enfin la tranquillité. Pourtant, si l’on va au-delà de ce que l’on voit, il devient évident que cette « pauvreté simulée » se révèle bien plus coûteuse et que la « simplicité » de la cérémonie et du lieu traduisent en réalité une conception bien plus complexe et ritualisée qu’il n’y paraît au premier abord.

Ce n’est pas de l’architecture, c’est du lyrisme improvisé.

– Bruno Taut, cité par Allen S. Weiss, p. 36

La salle de thé est une « demeure de l’imagination ».

– Kazuto Okakura, cité par Allen S. Weiss, p. 36

Ces deux citations reflètent parfaitement la pensée profonde de l’auteur autour de la salle de thé et de ce qu’elle représente. De par sa décoration simple (composition florale avec une seule fleur, calligraphie, ustensiles, etc.), ce n’est pas l’architecture qui compte mais bien ce qui s’y déroule. La salle de thé le sublime. Il s’agit d’un haut lieu spirituel et culturel qu’Allen S. Weiss a su magnifier à son tour.

Bol à thé, Japon, grès kintsugi (réparation à la laque et or) , Paris, Musée nationale des arts asiatiques – Guimet. Creative Commons.

Allan S. Weiss et la réflexion du voyage

Autoportrait de Allen S. Weiss. 3 décembre 2022. Libre de droit.

En tant qu’auteur, Allen S. Weiss a su nous montrer son grand intérêt pour la salle de thé et la philosophie zen qu’elle représente. Mais au-delà de son attrait certain pour cette part de la culture japonaise, son écrit révèle également sa conception de ce que doit être un guide de voyage. En effet, pour lui, un guide n’est qu’un des multiples outils qui servent à un seul but, le voyage.

Il est impossible de faire un portrait complet et non altéré d’une culture, il est préférable de voyager pour soi-même. Il faut donc le préparer en amont en lisant et se renseignant, le vivre pleinement en prenant des photos, en achetant des souvenirs, en prenant des notes, et le revivre au travers de récits, d’anecdotes et plus encore.

Nous voyageons pour confirmer ou transformer – voire créer – notre identité.

– Allen S. Weiss citant une phrase de Donald Ritchie, The Japan Journal, p. 7

L’essence même du voyage est bien plus que d’aller d’un point A à un point B et Allen S. Weiss nous le démontre tout au long de son livre. Il ajoute que l’observation et l’imaginaire font partie intégrante du voyage et que chacun peut vivre sa propre expérience en suivant un itinéraire, une idée ou bien encore au hasard, par sérendipité. Et il ajoute que la photographie est un parfait vecteur pour aider à voyager car elle transmet différents messages non-verbaux qui facilitent le voyage et l’imagination.

Le Guide anachronique de Kyoto reflète parfaitement cette pensée et bien d’autres. Il nous fait voyager au cœur d’un Kyoto réel, tangible, si proche et si lointain à la fois. Un monde à la fois proche et éloigné, que l’on apprend à aimer aux côtés de son auteur. Un guide parfait pour se préparer, un guide parfait pour voyager, un guide parfait pour se remémorer encore et encore un Kyoto à la jonction entre rêve et réalité.

Pour en savoir plus :

Allen S. Weiss, Guide anachronique de Kyoto, Paris, Arléa, 2023. Lien vers la fiche du livre.

La Cérémonie japonaise du thé, Palais des Thés.

Madeline Chollet, Cérémonie du thé : l’instant zen du Japon, Journal du Japon, 2017.

Qu’est-ce que la cérémonie du thé ?, Chanoyu.

Julie Robin, Chawan, etc. : petite revue des bols à thé japonais, Tokonoma, 2021.

Image de couverture : Yôshû Chikanobu, La cérémonie du thé dans le gynécée de Chiyoda, 1895, estampe, Paris, Maison de la Culture du Japon. Creative Commons.

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