Chawan, etc. : petite revue des bols à thé japonais

A l’occasion du festival Animasia qui aura lieu les 9 & 10 octobre 2021, Tokonoma vous présente la céramique utilisée dans le cadre de la cérémonie du thé. Après l’introduction au Japon des théiers, au IXe siècle, le thé devient une boisson particulièrement appréciée dans l’archipel nippon. D’abord consommé à l’aide de bols importés de Chine, le thé s’accompagne rapidement de toute une production d’objets spécialement destinés à sa consommation.

Des bols inspirés de la Chine

Les premières productions japonaises imitent les bols utilisés sur le continent : des exemplaires de ces temmoku chinois sont présents sur l’archipel depuis le règne de l’empereur Ming Yongle (r. 1402 – 1424), qui a envoyé des bols au shogun Ashikaga Yoshimitsu (r. 1368 – 1394). Le shogun Oda Nobunaga (1534 – 1582) possède ainsi un bol provenant des fours de Jianzhou, au Fujian.

Bol à thé, fours de Mino, XVIe siècle, grès, type ki-temmoku, couverte dite « Seto jaune » à base de fer et de cuivre. Musée National des Arts Asiatiques – Guimet. Photo : Julie Robin

Les premiers bols japonais, ou chawan, reprennent la forme conique des temmoku. Produits dans les fours de Mino, ils sont en grès et revêtus d’une couverte brune tachetée.

Comme leurs grands frères chinois, ces bols possèdent une couleur foncée qui s’accorde particulièrement bien avec la mousse du thé fouetté. En effet, au XIIIe siècle, le thé se consomme sous la forme de poudre de thé vert battue avec de l’eau bouillante, directement dans le bol. Profonds, ces récipients permettent de conserver la chaleur du breuvage le plus longtemps possible.

Les raku, bols sur mesure pour esthétique japonaise

Au début du XVIe siècle, le maître de thé Sen no Rikyû (1522 – 1591) crée la cérémonie du thé, ou chanoyu. Il y applique l’esthétique du Wabi Sabi, que l’on pourrait traduire par « mélancolique sobriété » : un concept qui mêle nature, imperfections et observation du passage du temps. Suivant cette idée, il fait de la cérémonie du thé un moment propice au partage, au raffinement et à la simplicité. Le pavillon de thé et les ustensiles employés, bien que nombreux et de matériaux nobles, sont caractérisés par un certains dépouillement.

Un raku conservé au Musée National des Arts Asiatiques – Guimet. Photo : CC MiguelHermoso.

 Considérant que les productions chinoises ou inspirées des pièces chinoises ne conviennent pas à cette esthétique, Sen no Rikyû commande au potier Chôjirô (mort en 1589) des bols adaptés à la cérémonie du thé. De cette association naissent les raku, des bols cylindriques, épais et à la forme irrégulière. D’une couleur rouge ou noire, les raku sont obtenus à l’aide d’un montage de l’argile sans tour et d’une cuisson à basse température.

Ces deux particularités favorisent les accidents de cuisson en tous genres : rétrécissement aléatoire, craquelures de la couverte, boursouflures, couverte accidentelle… Autant de « défauts » qui sont en réalité très recherchés dans le cadre de cette esthétique Wabi Sabi : ils sont alors l’expression du hasard et de la nature !

Le kintsugi, réparer les bols

Indissociable de l’esthétique liée à la cérémonie du thé, la technique du kintsugi est fréquemment appliquée aux bols à thé japonais lorsque ceux-ci sont malencontreusement brisés.

Bol à thé, grès émaillé et réparé à la laque d’or, H. : 7 cm , période d’Edo (1603 – 1868), Satsuma. Musée Pincé, Angers. Photo : Musées d’Angers.

Cette technique serait apparue au XVe siècle, afin de camoufler de façon esthétique les réparations réalisées sur un bol chinois, réassemblé à l’aide d’agrafes métalliques. Plusieurs étapes sont nécessaires pour réparer un bol à l’aide de la technique du kintsugi. Les morceaux sont d’abord rassemblés et nettoyés, puis collés à l’aide de laque. Les jointures (tsugi) formées par la laque sont alors saupoudrées d’or (kin).

Une fois l’ensemble sec, le bol est à nouveau parfaitement utilisable ! L’histoire de l’objet reste cependant visible à travers ces cicatrices d’or, et rend palpable son caractère ancien.

À travers les bols à thé, c’est toute une esthétique japonaise intimement liée à ce breuvage qui s’exprime. Loins d’être de simples récipients, ces objets sont ainsi indissociables du raffinement nécessaire à la cérémonie du thé !

Pour en savoir plus :

  • Tokonoma sera présent au festival Animasia et Mathilde Rétif, rédactrice, donnera deux conférences intitulées « Sadô : la cérémonie du thé et ses codes » et « Le voyage du thé« . Plus d’infos à venir.

Image de couverture : bol à thé, début du XVIIe siècle, Japon. Metropolitan Museum of Art. Photo : domaine public.

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