Une nouvelle facette de l’ère Meiji à la fondation Baur

La fondation Baur met à l’honneur une soixantaine d’estampes japonaises, du 25 mai au 24 juillet, au sein de l’exposition «  Estampes Japonaises 1860-1890 » . Ces estampes, encore parfois très intéressantes mais souvent méconnues sont présentées selon trois grands thèmes mettant en scène toute la diversité de l’ère Meiji (1868-1912). Alors sans plus attendre, immergez vous dans le Japon de la fin du XIXème siècle !

Utagawa Yoshitora 歌川芳虎 (actif 1836-1882), « La ville de Paris, France », de la série Enumération complète des lieux célèbres des pays du monde, 1862. Fondation Baur, FB.FHF.2016.8 © Fondation Baur, photo Marian Gérard

Yokohama, le quartier aux multiples nations 

Utagawa Yoshiiku 歌川芳幾 (1833-1904)
Femme russe et soldat anglais, 1860
Fondation Baur, FB.FHF.2016.13 © Fondation Baur, photo Marian Gérard

Situé à une trentaine de kilomètres de la capitale Edo (Tôkyô), ce port, qui ouvre à partir de 1859 aux étrangers , se présente comme le lieu incontournable des échanges internationaux. Déferlent alors plus de 3000 Occidentaux, créant une véritable fascination auprès de la population japonaise !  Fascination qui se traduit alors par la production de Yokohama-e (littéralement « images de Yokohama ») qui s’étend de 1860 à 1862 et donne lieu à la création d’environ 850 estampes. Souvent traitées selon une qualité d’impression rapide, ces dernières offrent un regard  fantaisiste et assez loin de la réalité des coutumes occidentales. Elles constituent néanmoins une source non négligeable et exclusive d’informations pour des Japonais encore interdits de contact auprès des étrangers. Ayant pour thématiques le port et ses habitants, les navires, les scènes du quartier de plaisir de Miyozaki ainsi que la représentation souvent caricaturale des étrangers eux-mêmes, les Yokohama-e offrent une vue unique de la vie haute en couleur que pouvait incarner cet étonnant port ! A partir de 1868,  ces thèmes artistiques sont rapidement remplacés par de nouveaux thèmes mettant en valeur l’urbanisation croissante du pays, conséquence de l’intégration toujours plus progressive du mode de vie occidentale sur le territoire.

Une épidémie qui fait rage 

Utagawa Fusatane 歌川房種 (actif 1849-1870), Méthodes pour alléger les symptômes de la rougeole, 1862 Fondation Baur, FB.DIV.1990.45 © Fondation Baur, photo Marian Gérard.

Fréquente durant toute l’époque Edo, l’épidémie de rougeole qui sévit durant l’année 1862 s’avère être la plus violente de toutes ! En raison notamment de la densité démographique urbaine qui ne cesse de s’accroître, cette épidémie provoque la mort de plus de 240 000 victimes dans la capitale. Cette épidémie de rougeole représente surtout l’occasion pour des artistes de réaliser des images protectrices nommées Hashika-e (« images de la rougeole »). Affichées sur les portes ou murs des maisons, ces Hashika-e servaient à protéger son utilisateur du mauvais sort et des pires infections ! Généralement anecdotiques, ces figurations étaient adressées à un large public et nous renseignent sur les différentes recommandations sanitaires à mettre en place face à l’épidémie. Symbole de frustration et d’impuissance de la population japonaise face à l’épidémie, ces images démontrent combien l’épidémie a pu fragiliser la vie quotidienne japonaise à tous les niveaux de société…

Tsukioka Yoshitoshi (1839-1892),  dernier maître de l’estampe traditionnelle Ukiyo-e

Photographie de Tsukioka Yoshitoshi à l’âge de 43ans(1839-1892), autour de 1882. Image libre de droit.

Né à Edo en 1839, Yoshitoshi se forme au sein de l’atelier d’Utagawa Kuniyoshi (1797-1861), auprès duquel il apprend la technique du Nishiki-e (« estampe de brocart »), ainsi que l’art traditionnel de l’Ukiyo-e. Célèbre, avant tout pour ses portraits et ses sujets historiques, ce n’est qu’à partir des années 1870 qu’il adapte sa production vers des médias plus contemporains tels que les journaux ou revues. Fort de sa volonté de conserver une méthode traditionnelle de production, Yoshitoshi incarne un des derniers jalons d’un art traditionnel de l’Ukiyo-e, alors en perte de vitesse face à de nouveaux mediums comme la lithographie ou la photographie. Son génie culmine avec ses dernières séries dont les  Cent aspects de la lune (Tsuki hyakushi 月百姿) et Nouvelles formes de trente-six fantômes (Shinkei sanjûrokkaisen 新形三十六怪撰) représentent les plus célèbres exemples. Les représentations de ces séries sont l’une des raisons qui firent que l’artiste fut considéré comme fou après sa mort, en 1892 à l’âge de 53 ans. Réalisant plus de 2400 estampes, une soixantaine de livres illustrés et de nombreuses peintures, Yoshitoshi aussi bien par sa production originale et prolifique que par son image controversée, représente un des artistes incontournables de l’ère Meiji.

Tsukioka Yoshitoshi 月岡芳年 (1839-1892) La vieille femme récupérant le bras du démon de la série « Nouvelles formes de trente-six fantômes », 1889 Fondation Baur, FB.DFC.2019.16 © Fondation Baur, photo Marian Gérard.

Si l’on connait généralement bien l’impact politique de l’ère Meiji dans l’histoire du Japon, la production artistique de cette époque quant à elle demeure encore peu représentée. L’exposition « Estampes Japonaises 1860-1890 »  proposées par la fondation Baur nous dévoile ainsi une partie de la richesse artistique de l’époque Meiji, dont il reste encore tant à découvrir !

Pour aller plus loin :

 » Estampes japonaises 1860-1890″, du 25 mai 2022 au 24 juillet 2022, Fondation Baur, Musée des Arts d’Extrême-Orient, toutes les informations pratiques ici.

Un court documentaire qui explique et résume la modernisation du Japon à l’Ere Meiji.

Pour mieux comprendre l’histoire des estampes de l’époque Meiji, le livre « Japan Awakens Woodblock prints of the Meiji Period » de Till Barry.

Image de couverture : Tsukioka Yoshitoshi 月岡芳年 (1839-1892), Illustration du pont Gojô de la Chronique de Yoshitsune, 1881, Fondation Baur, FB.DFC.2019.9 © Fondation Baur, photo Marian Gérard.

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