Aux origines de la Chine : Yu le Grand, le fleuve Jaune et le dragon

Petite énigme : qu’est-ce qu’ont en commun le souverain mythique Yu le Grand, le fleuve Jaune et le dragon chinois ?  Ils sont tous liés aux origines mythiques de la Chine. Si vous voulez en savoir plus, suivez le guide !

Les Han 汉, le peuple du fleuve

Les Han sont l’ethnie majoritaire en Chine, 90% des Chinois ou plus le sont. Le caractère qui désigne les Han signifie littéralement ceux qui vivent au bord de l’eau.

En effet, les fleuves et plus particulièrement le fleuve Jaune, ont une place importante dans l’histoire et la mythologie chinoises. Le fleuve jaune, ou 黄河 Huang He, est à la fois craint et célébré. C’est un fleuve autant capricieux, dont les crues font des milliers de morts, que c’est le berceau mythique de la civilisation chinoise. La présence humaine au bord du fleuve remonte au Néolithique ! Attention cependant, malgré ce qui est rapporté par la mythologie, il a été prouvé par les archéologues que le fleuve Jaune n’est pas le seul foyer humain de la période. On ne compte pas moins d’une dizaine de cultures néolithiques différentes !

Selon les mythes, à l’aube de la Chine, il y avait … de l’eau. Le fleuve Jaune ne suivait pas encore son cours actuel et inondait toute la plaine. Le peuple chinois, dirigé par des souverains légendaires, vivait dans les montagnes. Yu le Grand est le premier à avoir maîtrisé le fleuve jaune, permettant enfin l’installation dans la plaine, donc le développement de la civilisation.

Panorama du centre ville du Xian de Wenchuan, province du Sichuan, en 2013. La statue monumentale sur la place représente Yu le Grand (大禹). Crédits photo : Chen Siyuan, licence Créative Commons.

La légende de Yu le Grand

Statuette de l’Empereur Yu le Grand, bois et soie polychrome, dynastie des Qing (1644-1911), 1886-1887, H. 29.5 cm ; l. 15.7 cm ; P. 15.8 cm, Fujian, Chine, musée des Confluences, Lyon. Crédits photo : Ariane Da Cunha

Yu le Grand est présenté comme l’un des premiers souverains chinois par l’historien Sima Qian (145 av. J.-C.-86 av. J.-C.). En réalité, c’est un personnage mythique dont on ne sait pas s’il a existé. 

Yu le Grand aurait vécu de 2205 av. J.-C. à 2147 av. J.-C. Son père, Gun, est un ingénieur chargé par le souverain de contrôler les eaux. Il essaie pendant neuf ans sans résultat et est donc condamné pour son échec. Selon les versions, il est tantôt mis à mort ou transformé en monstre aquatique qui s’enfuit dans les montagnes. Quoiqu’il en soit, la tâche de dompter le fleuve est confiée à Yu.

Pendant 13 ans, Yu travaille d’arrache-pied pour contrôler les eaux. Il parcourt la Chine sans se reposer. Tout absorbé à sa tâche, il passe trois fois devant sa maison sans même y entrer ! Ses efforts payent, puisqu’il réussit. Les habitants descendent enfin vivre dans la plaine. Pour le remercier et le récompenser de son succès, le souverain lui cède son trône. Il devient ainsi Yu le Grand, fondateur de la dynastie Xia, dont l’historicité est toujours disputée. Un culte est rendu à Yu le Grand sur son tombeau à Shaoxing (Zhejiang) aujourd’hui encore.

Et le dragon alors ?

Comment le dragon s’insère-t-il dans cette légende ? En fait, il existe différentes versions de l’histoire qui racontent comment Yu le Grand a réussi à contrôler le fleuve. Selon la première et la plus réaliste, Yu le Grand a réunit 100 familles et a ordonné qu’ils creusent dans ses pas. C’est ainsi qu’il a créé un dénivelé dans les montagnes, créé des digues et délimité les neuf premières provinces. Il dirige ainsi le tout premier chantier collectif.

La deuxième version raconte que Yu le Grand s’est allié avec le fleuve Jaune. Pour maîtriser le fleuve, Yu le Grand lui cède la moitié de son corps. Cette version explique pourquoi Yu le Grand est parfois représenté boiteux. Enfin, une légende populaire rapporte que Yu a réussi grâce à l’aide d’un dragon. Il a utilisé la queue du dragon pour creuser des digues, permettant ainsi que l’eau s’écoule jusqu’à la mer.

Ce qui est particulièrement intéressant dans la dernière version, c’est qu’il y a un lien entre ces trois éléments mythologiques et l’histoire chinoise : Yu le Grand est le premier souverain à avoir contrôlé le fleuve mais du fait des risques naturels, la régulation des eaux est devenue l’une des responsabilités impériales les plus importantes. De même, le dragon s’associe pour la première fois à Yu le Grand avant de devenir le symbole de tous les empereurs. En outre, la forme du fleuve Jaune explique que celui-ci ait souvent été comparé à un dragon.

Assiette représentant un dragon dans les vagues, dynastie Qing (1648-1911), porcelaine et émaux, 50 cm de diamètre, Metropolitan Museum, New York. Image libre de droits

Il est significatif qu’il y ait des éléments identiques entre les mythes et l’Histoire. Ainsi le défi confié à Yu le Grand correspond à une nécessité vitale de diminuer les crues. Le fleuve Jaune et le dragon sont primordiaux dans la mythologie, mais ce sont aussi des symboles anciens et récurrents dans les arts chinois. Est-ce que le fleuve Jaune et le dragon sont importants dans les arts parce qu’ils sont importants dans la mythologie ? Ou bien est-ce qu’ils sont devenus importants dans la mythologie parce qu’ils étaient très représentés ? A vous de décider !

Pour en savoir plus :

Bibliographie :

  • Laurence C. Smith, Rivers of Power, how a natural force raised Kingdoms, destroyed Civilizations and Shapes Our World, Penguin Books, London, 2020, pp. 19-24.
  • Patrick Absalon et Frédérik Canard, Les dragons, des monstres au pays des hommes, Découvertes Gallimard, Paris, 2006.
  • Bernard Barraqué, « Les légendes de l’empereur Da Yu » in : Peurs et plaisirs de l’eau, Paris, Hermann, 2010. Pp. 263-267.
  • Yilin Gu, « Pour gérer le pays, gérer d’abord les eaux » in : Peurs et plaisirs de l’eau, Paris, Hermann, 2010. Pp. 219-228.
  • Alexis Lycas, « Notes sur l’origine des fleuves dans les premiers textes géographiques chinois » Fleuves d’Asie. Centres de civilisation : actes du colloque / organisé par l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, l’Institut national des Langues et civilisations orientales-CERLOM et la Société asiatique, à l’INALCO et à l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres, les 7 et 8 décembre 2017, publié en 2020 pp. 237-255.
  • Marcel Granet, Danses et légendes de la Chine antiques, Tome 2, Paris, Alcan, 1926, p. 466-572.

Image de couverture : Ma Yuan (c. 1160-1225), Rapides sur le fleuve Jaune. Feuille d’album. Encre sur soie, 26,8 × 41,6 cm. Musée du Palais à Pékin. Image libre de droits.

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