« L’ami japonais ». Le récit de l’oeuvre d’une vie.

En mars 2020, les éditions Arléa publiaient un roman biographique : L’ami japonais de Marc Petitjean. Cet ouvrage nous emmène au Japon, afin de découvrir la vie de Kunihiko Moriguchi, maître de la peinture sur kimono et Trésor national vivant depuis 2007 – comme son père avant lui. 

Kunihiko Moriguchi, un mariage entre tradition et modernité

Né en 1941, Moriguchi étudie la peinture nihonga à l’université des Arts de Kyōto et découvre à travers une exposition à l’automne 1959, l’art français du XIXe siècle. Cette exposition est une révélation ! Après l’obtention d’une bourse, il part pour la France à l’âge de 22 ans, loin des contraintes familiales, des traditions et de la société japonaise. Le changement d’univers lui demande beaucoup d’efforts d’adaptation. Des efforts qui payent puisqu’il devient rapidement un brillant élève de l’École des Arts décoratifs de Paris. Notamment grâce à sa capacité de concentration et son travail en apnée ! La clé « c’est la respiration. Tu retiens ton souffle et tu travailles sans respirer. » explique-t-il. 

Préparation des couleurs, © Éditions Arléa, Marc Petitjean

Lors de son séjour, Moriguchi se lie d’amitié avec Gaëtan Picon alors directeur général des Arts et des Lettres du ministère de la Culture de Malraux, et particulièrement avec le peintre Balthus qui l’invite à mûrir son dessein d’artiste au sein de la Villa Médicis. Ce dernier fasciné par la culture japonaise, le convainc de perpétuer le yuzen au sein de l’atelier de son père. Le yuzen est une technique de teinture en réserve sur tissu née dans le courant du 17e siècle réservée aux kimonos d’apparat, dont le père de Kunihiko est le maître. 

Un petit point historique : Le yuzen doit son appellation au peintre d’éventail Miyazaki Yuzen, qui exerce dans la deuxième moitié du XVIe siècle alors que le Japon connaît une période de paix et d’ouverture. Les fabricants de kimono décident alors de créer des kosode (kimono à manches courtes) ornés de motifs inspirés de ses éventails. Ces superpositions de couleurs, de motifs colorés ont un grand succès à Kyōto ! 

Kuni peint © Éditions Arléa, Marc Petitjean

Cette technique traverse le temps, subit des adaptations, des innovations. Jusqu’à aujourd’hui où Kunihiko Moriguchi, après avoir appris au sein de l’atelier de son père, s’émancipe et se fait remarquer à l’âge de 28 ans avec un kimono nommé senka. Celui-ci est composé de motifs géométriques déployés dans un mouvement dynamique, des hexagones reliés entre eux par des zigzags, le tout créant un effet d’optique. Ces dessins diffèrent des motifs traditionnels ! Pour autant, il trouve son inspiration dans la nature et compare son art à « un jardin bien entretenu » où le rythme et l’ordre y sont capital. On peut parler d’innovation dans la manière d’aborder le kimono, d’une recherche de perfection où le vide devient lui-même un motif. Il le dit lui-même : « Ma mission, c’est de créer et de renouveler ce monde comme au début du yuzen où les artistes étaient libres. (…) Je me sens en compétition avec les artisans historiques, mais pas avec les artisans contemporains. » 

Une porte entrouverte 

Marc Petitjean © Éditions Arléa

Marc Petitjean, écrivain et cinéaste, n’en est pas à son premier coup d’essai ! On peut par exemple citer le tournage du film sur le docteur Hida, un survivant de la bombe d’Hiroshima qui consacre sa vie à soigner les survivants. Néanmoins, L’ami japonais se démarque des autres par sa chaleur ! Au fil des pages, la naissance de leur amitié est comme un cadeau offert à nous lecteur, comme une porte entrouverte sur l’univers si fermé des trésors nationaux vivants du Japon. 

Couverture de L’ami japonais. Écrit par Marc Petitjean, éditions Arléa, 2020, © Éditions Arléa

Marc Petitjean rencontre Moriguchi il y a une dizaine d’années environ et lui propose de réaliser un film sur lui et ses créations. Il le filme et le photographie pendant trois mois dans son atelier. Durant les séances de travail il observe, ne fait aucun commentaire, comme s’il n’était pas là. « J’avais l’intention de filmer ce que je voyais comme je le voyais ». Pour rendre compte de certaines étapes dans la confection du kimono, le cinéaste doit s’approcher au plus près de l’artiste et utilise son corps comme faisant partie intégrante de la caméra. Marc Petitjean sait, en quelques mots, nous décrire une image riche de mille détails. Son récit nous partage ses impressions sur le moment, les différents épisodes de la vie de Moriguchi, le tout ponctué de photographies du travail de ce dernier. Peu à peu, l’amitié entre les deux hommes voit le jour et le récit nous emmène de plus en plus loin dans cette culture japonaise si riche et pleine de couleurs. On comprend vite que le fil rouge de ce livre est la réflexion sur la transmission, entre le maître et le disciple, entre le monde moderne et la vie traditionnelle japonaise. 

L’ami japonais de Marc Petitjean est un livre qui nous permet d’approcher l’œuvre d’une vie : celle de Kunihiko Moriguchi, maître de la peinture sur kimono et Trésor national vivant. C’est un voyage dans un monde inconnu, riche en découvertes, dont il faut apprécier chaque mots. Un petit bijou à lire en prenant son temps ! 

Pour en savoir plus :

Image de couverture : Kuni qui peint sur un kimono, or, © Éditions Arléa, Marc Petitjean

Un commentaire Ajouter un commentaire

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s