Le musée du quai-Branly – Jacques Chirac a inauguré le 22 novembre dernier une exposition dédiée au vêtement incarnant certainement le mieux la culture et la sensibilité japonaise : le kimono. Ouverte jusqu’au 28 mai 2023, l’exposition Kimono vient déconstruire les visions réductrices d’un patrimoine vestimentaire reconnaissable entre tous mais vu, encore aujourd’hui, au travers de trop nombreux préjugés. Une image qu‘il convient de dépoussiérer !
Le Kimono: emblème des couleurs du Japon
Trois femmes devant la boutique de kimonos Daimaruya
Edo (Tokyo), 1840-1845
Xylogravure polychrome
© Victoria and Albert Museum, London
Trois femmes devant la boutique de kimonos Daimaruya
Edo (Tokyo), 1840-1845
Xylogravure polychrome
© Victoria and Albert Museum, London
Trois femmes devant la boutique de kimonos Daimaruya
Edo (Tokyo), 1840-1845
Xylogravure polychrome
© Victoria and Albert Museum, London
Concrètement, de quoi s’agit-il ? Le terme « kimono » (着物) signifie « une chose à porter sur soi ». Il existe depuis près d’un millénaire, mais c’est surtout au début de l’ère Edo (1603-1868) qu’il devient le principal vêtement, peu importe la classe sociale, le statut, ou la richesse de son porteur. Le kimono est un vêtement fabriqué d’une seule étoffe, il se compose de coutures droites et est fermé par une ceinture nouée a la taille, le obi (帯). Dans la tenue japonaise traditionnelle, c’est la surface plate du kimono qui importe et non les formes du corps. Les couleurs, les motifs ainsi que la technique employée indiquent le statut et le goût de celui ou de celle qui s’en pare. On peut admirer des motifs inspirés de la nature, mais aussi des caractères ou bien des mots. L’idée est de pouvoir lire la personnalité de quelqu’un à travers les vêtements qu’il porte. En somme, une sorte de jeu !

Satin de soie (shusu) et broderie de soie et fils de soie dorés
© The Khalili Collection of Japanese Art
© Victoria and Albert Museum, London

Japon, 1840-1860
Satin de coton (menjusu) de Chine, teinture par réserve au pochoir (katazome) Donation de Yoshida Kōjirō
© Kyoto Living Craft House Mumeisha
© Victoria and Albert Museum, London
Sous l’autorité du shōgun (dirigeant militaire du pays), le Japon du XVIIIe au XVIIIe siècle connaît une période de grande prospérité. Dans ce contexte, une nouvelle culture appelée « Ukiyo » ( 浮世) se développe ; échappatoire au monde réel, le divertissement, l’évasion et l’érotisme sont les maîtres mots… et le kimono y joue un rôle central !

Entre le théâtre kabuki et le quartier des plaisirs, ce sont les acteurs et les courtisanes qui dictent les modes ! La demande est telle, que l’on commence à produire des recueils de gravures montrant des motifs de kimono. Appelés hinagata-bon, ces recueils sont utilisés par les fabricants, les distributeurs et les clients. À feuilleter comme un magazine de mode !
Face à une telle consommation de raffinement, la classe dirigeante (classe des samouraïs) tente de limiter la production par des lois somptuaires qui interdisent le port de couleurs vives en public. Qu’à cela ne tienne ! Les marchands développe une nouvelle esthétique, l’iki (粋), des kimonos fait de bleu indigo, de bruns ou de gris.
À la conquête du monde
Avec l’avènement de l’ère Meiji (1868-1912), le Japon réouvre ses frontières au commerce international. L’industrie textile se modernise rapidement et le monde découvre la mode japonaise. De New York à la Nouvelle-Zélande, un véritable engouement pour le kimono apparaît. Les marchands japonais inventent alors un nouveau type de kimono dit « d’exportation » avec une coupe et des motifs au goût des Occidentaux : ils ajoutent une pièce de tissu triangulaire à l’arrière ou bien le ferment avec une ceinture assortie plutôt qu’un obi.
Satin de soie (shusu), broderies de fils de soie
© Victoria and Albert Museum, London
Le kimono a également une influence très forte sur les couturiers du début du XXe siècle. Ils abandonnent les tenues très structurées et corsetées en faveur de tissus qui drapent le corps à partir des épaules. Au Japon, avec l’industrialisation du textile, le kimono se décline en prêt-à-porter avec des motifs toujours plus élaborés et colorés. Mais l’arrivée de la Seconde Guerre mondiale puis l’occupation américaine du Japon (1945-1952) sonne le déclin de la production et de l’usage du kimono. Dès lors, il cesse d’être un vêtement du quotidien, un objet de mode, pour devenir un costume que l’on porte pour une occasion spéciale, comme le passage à l’âge adulte, la remise de diplôme ou bien le mariage…
Renaissance du kimono : une icône de la modernité
En 1955, le gouvernement japonais souhaite protéger le kimono en accordant le titre de « Trésor national vivant » du Japon à des créateurs. L’artiste Kunihiko Moriguchi (né en 1941) a cet honneur. Il est l’un des rares artistes à encore perpétuer le yūzen (友禅, une technique de teinture en réserve sur tissu née dans le courant du XVIIe siècle réservée aux kimonos d’apparat).
Kimono « Au-delà »
Kyoto, 2005
Crêpe de soie (chirimen), teinture à main levée par réserve à la colle (yūzen)
© The Khalili Collection of Japanese Art

Tissu jacquard en laine mérinos Londres, Automne/Hiver 2015 © Duro Olowu

Trisha Biggar.
Brocart, crêpe de soie, broderie en fil métallisé, perles et plumes
États-unis, 2005
© The Lucas Museum of Narrative Art
© and TM 2022 Lucasfilm Ltd. All rights reserved Photo : © Victoria and Albert Museum, London
Aujourd’hui, les stylistes transforment le kimono selon leur inspiration, non pas tant comme un produit de la tradition que comme un dynamique objet de mode. Que cela soit sur les podiums ou au cinéma dans la saga Star Wars, le kimono s’affirme en tant qu’emblème de l’identité nationale et culturelle. Aujourd’hui, les créateurs du monde entier se sont appropriés le kimono et ne cessent de le réinventer.
Avec un parcours regroupant près de 200 kimono, dont certains sont présentés pour la première fois en France, le musée du quai Branly – Jacques Chirac met à nouveau le patrimoine nippon à l’honneur, célébrant l’universel d’une création qui épate l’œil dans le miracle du savoir-faire. Une exposition à ne surtout pas manquer !
En savoir plus :
- Pour retrouver toutes les informations pratiques de l’exposition, c’est ici.
- Pour en savoir plus sur le Trésor national vivant Kunihiko Moriguchi.
Image de couverture : Vitrine de kimono de femme (kosode) et de jeune femme (furisode), probablement Kyōto, Japon, 1800-1850. Satin de soie (shusu), broderies de soie et fils de soie dorés. Satin de soie damassé (rinzu), teinture par ligature (kanoko shibori) © The Khalili Collection of Japanese Art © Victoria and Albert Museum, London