Les Wannieck, un couple entre Paris et Pékin

Dans ce deuxième épisode de notre série consacrée à nos propres recherches, nous vous faisons découvrir la vie mouvementée d’un couple de voyageurs et de collectionneurs d’arts chinois au début du XXème siècle : Léon et Marie-Madeleine Wannieck. Prêts à embarquer avec eux à bord du Transsibérien ?

Une vie vouée aux arts chinois

Léon Wannieck naît en 1875 à Vienne, en Autriche. C’est grâce à ses services en tant que légionnaire de l’Armée française qu’il obtient sa naturalisation, en 1921. En 1916, il a épousé Marie-Madeleine Perault, Française originaire de l’Allier.

Peu connu, le nom « Wannieck » apparaît pourtant assez régulièrement dans les musées d’arts asiatiques, tels que le musée Cernuschi ou le musée national des arts asiatiques – Guimet, où il est notamment cité en tant que donateur.

En effet, le couple n’a de cesse durant son existence de rassembler une impressionnante collection d’arts chinois, et en particulier de céramiques et de bronzes. Les Wannieck en font même leur métier : leur galerie, ouverte en 1909 à Paris, est consacrée aux « objets d’art anciens de Chine ». On y trouve notamment de nombreux mingqi, ces statuettes en terre cuite placées dans certaines tombes chinoises.

Façade de la galerie L. Wannieck, au 1, rue Saint-Georges, à Paris. Photo : RV_80693-27 © Charles Lansiaux/ DHAAP/Roger-Viollet 

Pour alimenter cette galerie, les Wannieck bénéficient d’une situation rare pour des antiquaires d’arts asiatiques de cette époque : une maison-mère à Pékin, fondée dès 1902, et qui leur permet d’importer directement depuis la Chine ! Cette maison pékinoise semble avoir été gérée par le neveu de Léon et Marie-Madeleine, Francis Perault, qui décède en Chine en 1931.

Une vie de voyages

Les Wannieck ne sont pas seulement des importateurs d’arts asiatiques. À plusieurs reprises, ils voyagent en Chine afin de collecter des pièces directement sur place, auprès d’antiquaires locaux ou de paysans découvrant fortuitement des objets.

Pour se rendre en Chine, les Wannieck empruntent d’abord le Transsibérien, qu’ils inaugurent. Ils utilisent également la voie maritime, et voyagent en 1924 sur le paquebot « André Lebon », qui appareille de Marseille. Ces voyages n’ont rien d’anodin en ce début de XXème siècle : comptez plusieurs semaines pour atteindre la Chine par la mer !

Ces voyages sont marqués par de multiples dangers, dans une Chine alors troublée : les conflits entre les Warlords, seigneurs de guerre s’appuyant sur les revenus de l’opium, créent un contexte de grande pauvreté, propice au banditisme. La presse contemporaine relate ceux-ci, avec de nombreux détails plus ou moins romanesques ! En mai 1924, le journal L’Intransigeant raconte ainsi le voyage de Léon Wannieck, « accompagné d’un seul ami et suivi pas à pas, d’un bout à l’autre par quatre-vingt brigands qui, n’osant s’attaquer à lui, pillaient seulement chaque village où il avait acheté quelque chose et laissé de l’argent »…

Leur voyage le plus documenté, en 1923, est subventionné par la Ville de Paris ; il permet à Léon Wannieck, parti seul, de rapporter plus de 120 œuvres du site archéologique de « Chu Lu Sien », dans le nord de la Chine. Ces œuvres rejoignent pour la plupart les collections du musée Cernuschi, le musée d’arts asiatiques de la Ville de Paris, à travers des ventes. Les Wannieck ont également enrichi les collections de nombreuses institutions, qui leur ont fait confiance pour leurs acquisitions. On peut ainsi trouver des œuvres de la galerie Wannieck au British Museum, au Metropolitan Museum, ou encore aux Musées d’Extrême-Orient de Bruxelles !

Une expertise reconnue

Durant toute leur vie, les Wannieck accumulent des œuvres chinoises, mais également des connaissances. Léon Wannieck est ainsi reconnu par les sinologues comme étant l’un des premiers à avoir permis l’étude des bronzes des Ordos : des pièces de parure scythes à motifs animaliers issues des steppes. Leur bibliothèque, vendue aux enchères à la suite du décès de Marie-Madeleine, renfermait de nombreux ouvrages dans plusieurs langues. Elle permet d’appréhender l’apprentissage constant qu’a dû être celui des Wannieck, un couple qui n’avait par ailleurs pas de bagage universitaire : Léon Wannieck a arrêté ses études dès l’âge de quinze ans !

Cette expertise leur permet de côtoyer les plus grands sinologues de leur temps. Vice-président de la Société des Amis du musée Cernuschi, Léon Wannieck, parfois remplacé dans ces fonctions par Marie-Madeleine Wannieck, rencontre régulièrement des conservateurs tels qu’Henri d’Ardenne de Tizac, des sinologues comme Paul Pelliot, ou encore d’importants collectionneurs et antiquaires, à l’image de C.T. Loo.

C’est en France que résident les chefs-d’œuvre de la collection Wannieck : les bronzes de Liyu. Acheté par Léon Wannieck auprès d’un paysan chinois, qui avait découvert la cache lors d’un orage, cet ensemble de vaisselle rituelle suscite d’autant plus l’attention lors de son arrivée en France que Léon Wannieck fait courir la rumeur qu’il aurait servi au Premier Empereur lui-même ! Si cette légende pose aujourd’hui question, les bronzes de Liyu restent l’un des plus beaux ensembles de bronzes rituels conservés… C’est le Musée du Louvre qui en fait l’acquisition pour son département d’arts asiatiques, en 1934, auprès de Marie-Madeleine Wannieck. Malgré le décès de Léon Wannieck en 1931, son épouse maintient avec la même énergie l’activité de la galerie jusqu’en 1960, année de sa mort. L’ensemble est désormais conservé au Musée National des Arts Asiatiques — Guimet.

Collectionneurs et antiquaires d’arts chinois, Léon et Marie-Madeleine Wannieck ont la particularité d’avoir également été des voyageurs. Ce lien avec la Chine leur a permis de constituer une collection dont la qualité est, aujourd’hui encore, reconnue par les spécialistes, et qui trouve sa place dans de nombreux musées occidentaux !

Pour en savoir plus :

Pour en savoir plus sur le marchand d’arts chinois C.T. Loo, contemporain et ami de Léon Wannieck, vous pouvez consulter sa biographie par Géraldine Lenain, Monsieur Loo. Le roman d’un marchand d’art asiatique (2015).

Quelques articles de presse de l’époque concernant les expositions présentant des œuvres des Wannieck : 

Pour en savoir plus sur les bronzes de Liyu, une fiche d’œuvre  du Musée National des Arts Asiatiques — Guimet.

Image de couverture : Façade de la galerie L. Wannieck, au 1, rue Saint-Georges, à Paris. Photo : RV_80693-27 © Charles Lansiaux/ DHAAP/Roger-Viollet 

5 commentaires Ajouter un commentaire

  1. Anonyme dit :

    Je suis née en 1949 et j’ai bien connu ma grande-tante Wannieck. Je me souviens de mes émerveillements à chaque visite que nous lui faisions Avenue Monceau. Surtout d’une collection de grenouilles ! Mes parents ayant racheté la propriété de Bubertré j’y ai passé des étés inoubliables.

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