Extrême Orientalisme, le site qui vaut le détour

Il arrive parfois que la passion de l’art asiatique sorte des musées pour apparaître sous la forme d’étonnantes collections constituées au fil des ans par des voyageurs passionnés. C’est le cas de Jacques Dumasy et de son site « Extrême-Orientalisme » que l’on vous fait découvrir sans plus tarder. A vos claviers !

Diplomate et collectionneur

Jacques Dumasy, ancien conseiller économique à l’ambassade de France à Pékin et ancien consul général à Chengdu.

Jacques Dumasy est à l’initiative du site Extrême-Orientalisme. Diplomate de carrière, cet homme, passionné de culture asiatique, a fait de nombreux séjours et voyages en Extrême-Orient (Chine, Japon, Vietnam, Indonésie…) qui seront pour lui l’occasion de monter une collection riche et exceptionnelle d’œuvres d’art  allant de la fin du XIXème siècle à la première moitié du XXème siècle.


Si sa collection, composée de 500 oeuvres, regroupe une multitude d’artistes assez uniques, elles dépeint avec précision l’évolution d’un dialogue artistique entre artistes occidentaux et un Extrême-Orient toujours plus mystérieux, fantasmé et idéalisé. Ce « regard curieux », on le retrouve chez des artistes comme Paul Jacoulet, dont le créateur du site admire la « sensibilité aiguisée ». C’est en effet cette « sensibilité aiguisée » qui guide Paul Jacoulet lorsque ce dernier dessine la vie quotidienne des Japonais au travers de nombreuses estampes toujours plus innovantes.

Paul Jacoulet, Vieille marchande de carpes, gravure sur bois, Ibaraki, Japon, Juillet 1934, coll J.D.


Ainsi l’œuvre, issue de la collection de Jacques Dumasy, intitulée Vieille marchande de carpes nous montre combien l’artiste français, bien que se référant à une longue tradition artistique japonaise, innove et propose une nouvelle formule plastique plus moderne. L’influence de nouvelles techniques occidentales, telles que la perspective, le cadrage resserré, la posture, mais aussi le choix du sujet, viennent alors se confronter à la longue tradition de la technique de l’estampe. C’est l’avènement des Extrêmes-Orientalistes, aux confluences de l’Occident et de l’Extrême-Orient !

Les extrêmes-Orientalistes, des artistes avant l’heure

Charles Wirgman, illustration papier d’un journal satirique sur les affaires contemporaines japonaises, 1863-1871, Yokohama, Image libre de droit.

D’où viennent finalement ces artistes qui constituent cette collection si unique, ceux que Jacques Dumasy intitule « Les extrêmes-orientalistes » ? Ils viennent de la fascination des artistes occidentaux pour l’Extrême-Orient depuis au moins le XVIème siècle. Et c’est principalement à partir du XVIIIème siècle, puis au XIXème siècle que les influences deviennent omniprésentes et que les échanges s’accélèrent considérablement entre l’Occident et l’Extrême-Orient. A cette période, l’action politique de deux pays est décisive : l’Angleterre et les Etats-Unis.


Accompagnant des missions géopolitiques, ces jeunes artistes européens curieux s’embarquent au milieu du XIXème siècle dans une aventure qui les amène à s’affranchir de leur propre culture par l’observation des modes de vie asiatique. A l’image de l’anglais Charles Wirgman (1832-1891) qui réalise différentes illustrations de la société japonaise lors de ses voyages. L’extrême-orientalisme se pare alors d’une vertu ethnographique où l’ambition est avant tout d’informer les populations occidentales sur le mode de vie, souvent étonnant, des Asiatiques. On trouve ainsi un nombre d’artistes conséquent qui décident de vivre en Asie ( principalement en Chine, Corée, Japon) afin de percer et mieux comprendre cet étrange Extrême-Orient.

Helene Hyde, Sa première offrande au temple, calendrier Antikamnia, photolithographie, 1903, Coll. J.D.


À l’image par exemple de l’américaine Helen Hyde (1868-1919) qui lors de son séjour au Japon dès 1899, devient une des premières artistes à tenter d’apprendre la complexe technique de fabrication d’estampes sur bois, au contact d’Emil Orlik (1870-1932). Technique que l’on retrouve alors portée à un niveau de qualité technique jamais atteint à la même période avec l’essor du mouvement Shin Hanga et son emblématique éditeur Watanabe Shozaburo (1885-1962), auquel plusieurs des « extrêmes-orientalistes » s’affilieront (tels que Noël Nouet(1885-1969) ou encore Elisabeth Keith (1887-1956)).

Une collection riche, innovante et particulière

Léa Lafugie, Tibet, 1927, crayon sur papier, 30 x 30cm, Coll. J.D.

Vous l’aurez compris, ce sont ces artistes à la croisée de deux continents qui composent la collection du site. Ces artistes occidentaux au destin souvent si unique nous dévoilent alors une multitude d’œuvres d’art, chacune toujours plus différente que l’autre ! Aquarelles, dessins, estampes, illustrations de journaux ; paysages, caricatures, portraits, paysages, temples, etc… composent cette gigantesque mosaïque de couleurs.

Se dessine une aventure toujours plus fantastique, dont le chemin est creusé par des artistes toujours plus envieux de découvrir les mystères de l’art asiatique. Fabuleuse aventure où se côtoient les dessins satiriques et provocateurs de Georges Bigot (1860-1927), à ceux de l’intrépide Léa Lafugie (1890-1972), qui n’hésite pas à s’aventurer dans des terres encore très mal connues des Européens comme le Tibet ou le Bengale. Aventure où se mêlent aussi les destins tragiques d’une artiste comme Katharine Jowett (1882-1972), gardée en détention lors de la seconde guerre mondiale, à ceux plus paisibles d’un artiste comme Charles Hovey Pepper (1864-1950) qui, après un bref séjour d’une année au Japon, mènera une belle carrière à New-York.Le site de Jacques Dumasy nous propose finalement une épopée au sein d’une collection tourbillonnante où chaque artiste ajoute une parole de plus à cet éternel dialogue entre Occident et Extrême-Orient.

Jowet Katharine – Italian Camp looking West, June 7.8. 1945. Aquarelle, Coll J.D

Pour aller plus loin

Mieux vaut deux fois qu’une : le site de Jacques Dumasy qui retrace toute l’histoire de ces fabuleux artistes et qui propose une belle synthèse de l’Extrême-Orientalisme.


L’ouvrage de Marie-Noëlle Grison qui mentionne certains artistes ayant eu un contact avec le courant Shin Hanga ou Sōsaku Hanga : Vagues de renouveau, Estampes japonaises modernes ( 1900-1960) , coll.fritz Lugt, Paris, 2018.

Et pour avoir une synthèse de l’histoire de l’Orientalisme : Après l’Orientalisme. L’Orient créée par l’Orient de François Pouillon et Jean-Claude Vatin, éditions Karthala, 2011.

Image de couverture : Barlett Charles William( 1860-1940), Le grand Buddha de Kamakura, gravure sur bois, Japon, 1916, Coll.J.D.

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