Saviez-vous que l’Ecole des Arts Joailliers de la maison Van Cleef & Arpels possède un espace d’exposition ? La célèbre maison de joaillerie y présente jusqu’au 14 avril un ensemble de bijoux chinois provenant de la collection privée Mengdiexuan, l’occasion d’évoquer le lien entre l’or et la joaillerie en Chine. Depuis près de trente ans le couple de collectionneurs hong-kongais Betty Lo et Kenneth Chu rassemblent une collection d’ornements en or qu’ils s’attachent à faire rayonner à travers le monde.
L’or, un matériau précieux chez les peuples nomades
Si le jade est considéré comme un matériau précieux en Chine depuis le Néolithique, l’or est tout d’abord associé aux peuples nomades qui séjournent sur les steppes au nord de la Chine. L’art du métal y est en effet très développé dans un style dit animalier, notamment chez les Xiongnu, peuple de pasteurs nomades qui dominent les steppes mongoles à partir du IVe siècle avant notre ère. Les objets du quotidien tels les éléments de harnachements des chevaux ou les boucles de ceintures se parent de motifs de scènes de combats entre tigres, rapaces, loups, cerfs et chevaux. Le style se caractérise par des décors réalisés au repoussé, aux formes stylisées et sans profondeur comme on le voit sur cet ornement à décor de tigre.


Si les Xiongnu sont considérés comme le premier véritable empire nomade par les historiens de l’époque des Han (206 avant J.-C. à 220), un autre empire nomade domine le nord de la Chine quelques siècles plus tard : les Liao. Les Liao font partie de l’ethnie des Khitan et règnent sur le nord de la Chine de 907 à 1125. Ils sont connus pour leur brillante culture de cour, comme l’atteste cette paire de bracelets. L’aristocratie Liao adopte certaines habitudes de vie sophistiquées de ses voisins méridionaux. Les tombes Liao ont révélé de nombreux bijoux accompagnant les défunts tel des ornements de têtes, des épingles, des peignes ornant les coiffures et des colliers en pierres semi-précieuses.
L’or dans les parures à la cour des empereurs

En Chine, l’emploi de l’or est lié aux ornements des coiffures des femmes qui se complexifient à partir de l‘époque des Tang (618-907). A cette période, et particulièrement à partir du règne de l’empereur Tang Taizong (626-649), les chignons des femmes de cour ne cessent de prendre de la hauteur, se parant d’épingles en or. Un poème contemporain fait l’éloge de ces coiffures sophistiquées : « Il y avait des bijoux en or et personne pour les ramasser : des ailes de martin-pêcheur, des oiseaux d’or et des épingles à cheveux en jade précieux. » A noter que les hommes portent aussi des ornements en or mais ceux-ci sont moins nombreux.
La mode du chignon haut continue sous la dynastie Song (960-1279). Les femmes des familles riches portent alors, accrochées au sommet de leurs chignons, des épingles et des peignes représentant des oiseaux, des fleurs, des phénix. Sous la dynastie Qing (1644-1912), les coiffures des femmes se différencient en fonction de l’ethnie, han ou mandchoue. Les coiffures sont souvent agrémentées d’épingles, d’agrafes et de nombreux ornements comme ce manguan, ornement placé à l’arrière de la tête, au-dessus de la nuque. Ces parures sont aussi un moyen d’évoquer le statut social.

Cigale, phénix, double-gourde : reflet d’un monde en miniature
L’art des parures en or se fait également le reflet des croyances en cours en Chine. Les épingles et divers ornements se parent de motifs évoquant le bouddhisme avec les Huit symboles auspicieux bouddhiques (ashtamangala en sanskrit) composés de la roue du Dharma, le nœud sans fin, le couple de poissons, la conque, le parasol, l’urne aux trésors, la bannière et la fleur de lotus ; où encore l’ensemble des Huit trésors (babao en chinois) comprenant notamment le losange, la pierre sonore, la perle et la sapèque qui se rapporte, quant à lui, au taoïsme. Le motif de la double-gourde (hulu en chinois), très populaire dans le vocabulaire iconographique chinois, est quant à lui une référence à l’élixir de longévité détenu par les immortels taoïstes et traditionnellement contenu dans une calebasse.


La représentation de fleurs et animaux est également l’un des grands thèmes du vocabulaire décoratif chinois. Les nombreux ornements piqués dans les chignons sont composés de parties mobiles, cherchant ainsi à imiter le mouvement des animaux qu’ils représentent, évoquant un papillon en vol ou un oiseau posé parmi les fleurs. Outre la volonté naturaliste liée au genre de la peinture de fleurs et oiseaux, ces fleurs et animaux forment des vœux de bon augure pour celui qui les porte. Ainsi, la cigale est un symbole de régénération et de longévité, la libellule un symbole d’adaptabilité et de prospérité. Enfin, le phénix est l’animal traditionnellement attribué à l’impératrice.
Ainsi cette exposition est un formidable moyen de plonger au cœur de l’art des parures en Chine et de leur symbolique sociale. L’exposition est gratuite et accessible sur réservation… une raison de plus d’y courir !

Exposition « Ors et Trésors, 3 000 ans d’ornements chinois » Photo : Benjamin Chelly.
En savoir plus
Exposition « Ors et trésors, 3000 ans d’ornements chinois » à l’école des Arts Joailliers jusqu’au 14 avril, plus d’informations.
Jean-Paul Desroches (dir.), L’Asie des steppes d’Alexandre Le Grand à Gengis Khan, exposition 2000-2001, musée national des arts asiatiques – Guimet, 202 p.
Monique Crick, L’or des steppes, arts somptuaires de la dynastie Liao (907-1125), exposition, Fondation Baur, 2006-2007, 255 p.
Zhou Xun et Gao Chunming, Le costume chinois, Office du Livre, Hong-Kong : 1985, 256p
Image de couverture : Exposition « Ors et Trésors, 3 000 ans d’ornements chinois ». Photo : Benjamin Chelly.