Les Splendeurs des Oasis d’Ouzbékistan au Louvre

Carrefour des civilisations, Routes de la soie, richesses exubérantes, énorme micmac politique : tels sont les termes qui peuvent caractériser l’Ouzbekistan, ce grand pays d’Asie centrale entouré par le Turkmenistan, le Kazakhstan, l’Afghanistan, le Tadjikistan et le Kirghizistan. Il est actuellement l’objet d’une exposition au Musée du Louvre, depuis le 23 novembre 2022 jusqu’au 6 mars 2023. Un peu loin de nos préoccupations habituelles, l’histoire de ce pays est pourtant indissociable de celle de l’Extrême-Orient, et joue en réalité un rôle central dans l’histoire générale de l’Asie.

Influences perses, indiennes, grecques : mosaïque culturelle

Le déroulement du parcours, chronologique, vous invite à découvrir toutes les influences ethniques, politiques, religieuses et artistiques de l’Ouzbékistan qui correspond à ce que l’on appelle aussi la Transoxiane. Lors des siècles qui entourent l’an 0, l’Asie centrale est une terre où fleurissent de nombreux royaumes et peuples. Leur prospérité procède largement des richesses qui transitent le long des routes caravanières qui relient l’Extrême-Orient et le sous-continent indien à la mer Méditerranée, et dont les prémices se déclarent dès le IVe siècle avant notre ère.

Trésor, Ouzbékistan, site de Dalverzin Tepe, Ier siècle de notre ère, or, cornaline, turquoise, Tachkent, Agence pour les métaux précieux dépendant de la Banque centrale de la République d’Ouzbékistan. ©Art and Culture Development Foundation/Republic of Uzbekistan/Andrey Arakelyan.

Ainsi le royaume du Khorezm, les royaumes gréco-bactrien, kouchan et de nombreux « états-oasis » tels que Samarcande, Boukhara, le Kangju, ainsi que quelques populations éparses comme les Sarmates (Iraniens des steppes) cohabitent en Transoxiane. L’héritage hellénistique du passage d’Alexandre le Grand dans la région, incarné par le royaume gréco-bactrien, s’entremêle avec le bouddhisme venu d’Inde pour produire ce que l’on appelle l’art gréco-bouddhique. Outre le bouddhisme, les religions sont nombreuses à se côtoyer dans la région. Citons le zoroastrisme et ses temples du feu, le manichéisme, le christianisme à travers l’Église nestorienne ou « Église de l’Est » et même le judaïsme.

Déferlante turque et raffinement de l’art de cour

Les Huns, encore eux ! Ils seraient une autre famille ethnique que celle des « Huns blancs » qui ont déferlé sur l’Europe autour du IVe siècle et ont soumis une grande partie de la région allant de la Sogdiane jusqu’en Bactriane, boutant les Perses Sassanides hors de la région où ils s’étaient par ailleurs installés entre temps. Aux IVe-Ve siècles, et pour la première fois depuis longtemps, l’« unicité » est le mot d’ordre. Cela permet le développement local d’une économie et d’une fiscalité performantes, de l’urbanisation et d’un art de cour raffiné dont il nous est parvenu nombre de merveilles, toujours sous la coupe des grands mouvements d’influence artistique grecque, perse et indienne.

Bol au roi héphtalite, Ouzbékistan, région de Samarcande, village de Chilek, dernier tiers du Ve siècle, argent, D. : 19,7 cm, Samarcande, Musée national d’histoire, d’architecture et d’art Crédit photo : Eléonore Nancy.

Les palais poussent comme des champignons, les murs sont peints avec des scènes princières, d’ambassades ou de banquets, la vaisselle en argent est à son sommet. De plus, cette stabilité politique relative permet au commerce de se renforcer, sous l’impulsion de la Sogdiane qui devient alors la principale plaque tournante du commerce Est-Ouest en Asie (surtout grâce à la soie chinoise !), permettant à la futur Chine des Sui (581 – 618) et des Tang (618 – 907) de bientôt rayonner de mille feux de son côté. Tout le monde y gagne.

Islam, Gengis Khan, Timur : conquête sur conquête

L’Asie centrale n’échappe pas à la conquête musulmane initiée au VIIe siècle. Se succèdent plusieurs dynasties musulmanes venues de l’Ouest pour contrôler la région. Au terme de cette conquête, elle devient un soutien de l’islam sunnite durablement et cela jusqu’à nos jours. Notons toutefois que cela ne signifie pas la disparition des religions locales qui l’ont précédé. La conversion à l’islam est alors moins une question de foi qu’une question politique, fiscale et sociale. Ainsi, nombreux sont les feuillets de Coran et de hadith (actes et paroles de Mahomet et de ses compagnons) à émailler l’exposition, en arabe ou en persan (langue de culture par excellence dans la majorité de l’Asie centrale), conséquence d’une florissante industrie papetière à Samarcande. On découvre également les décors de stuc des nouvelles mosquées en même temps qu’une nouvelle et très riche culture matérielle faite de caftans, de vaisselle en céramique aux techniques et motifs importés, sans parler des arts du métal !

Le monde turco-mongol dans sa diversité ne tarde pas à casser la fragile unité qui s’était constituée. Ces peuples, de langue et/ou de culture turque se succèdent et apportent avec eux depuis l’Est leur goût pour l’artisanat extrême-oriental. La Transoxiane finit par être incluse au sein de l’Empire mongol (1206-1368) fondé par Gengis Khan (1162 ? – 1227), empire qui s’étend de la Chine au proche Orient. Chine et Ouzbékistan deviennent soudainement encore plus proches, si bien que les influences artistiques et les productions chinoises apparaissent dans la culture matérielle locale mise au jour par les fouilles archéologiques. Suivent la conquête du général turco-mongol Tamerlan (1338-1405), puis la conquête des Shaybanides (1501-1598). C’est le temps des grandes architectures aux glaçures turquoise que l’on peut connaître, et d’une brillante culture du livre et de l’enluminure dont les exemples concluent le parcours.

Les 170 œuvres présentées, pour la plupart trésors nationaux du musée de Tashkent, témoignent d’une incroyable diversité culturelle en Ouzbékistan. La singularité de l’histoire de la région justifie le classement de nombre de ses vestiges au Patrimoine mondial de l’humanité. Cet échantillon de patrimoine vaut la peine d’un passage au Louvre, sans nul doute.

En savoir plus

Les Splendeurs des Oasis d’Ouzbékistan, au Musée du Louvre, du 23 novembre 2022 au 6 mars 2023.

Sur les routes de Samarkand, réalisé par Jivko Darakchiev, documentaire diffusé sur Arte le 27 novembre 2022 (52 min).

Image de couverture : Personnage royal à dos d’éléphant combattant des fauves, Ouzbékistan, palais de Varakhsha, vers 730, peinture murale, 181 x 257 cm, Tachkent, Musée national des arts d’Ouzbékistan. ©Art and Culture Development Foundation/Republic of Uzbekistan/Andrey Arakelyan.

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