Pour faire suite à l’article de la semaine précédente, Tokonoma vous emmène dans l’exposition incontournable du Musée départemental des arts asiatiques à Nice : Hokusai – Voyage au pied du Mont Fuji. Pour la première fois de son histoire, l’institution présente au grand public des pièces exceptionnelles de la collection Leskowicz… et vous n’avez plus que quelques semaines pour en profiter !
Les paysages de Katsushika Hokusai (1760-1849)

En arrivant dans le pavillon central du musée, le visiteur est invité à descendre un escalier à vis. Au fur et à mesure qu’il descend les marches, l’espace d’exposition temporaire se révèle à lui et, à porté de vue, l’emblématique La grande Vague à Kanagawa de Hokusai qui happe le regard et qui s’abat sur le visiteur pour le faire chavirer dans l’univers captivant du maître de l’estampe japonaise. Le parcours est décloisonné et permet au public de glisser son regard d’œuvre en œuvre.
Ces estampes permettent de plonger de manière saisissante dans le génie de l’artiste. Car en effet, Hokusai a révolutionné l’art de l’estampe de bien des manières. Alors que la figure humaine jouait un rôle principal dans les productions du début de l’époque Edo (1605-1868), il place le paysage au centre de ses compositions. La présence des hommes est à peine suggérée comme le laisse supposer le cerf-volant qui perse les nuages dans l’estampe Le Temple Honganji à Asakusa. Cette présence ne constitue qu’un prétexte pour développer des paysages qui révèlent la diversité technique de l’artiste allant d’un traitement très ornemental, comme dans l’estampe de La Cascade d’Amida aux confins de la route du Kisokaidô, à des vues synthétisées en formes géométriques quasi-pures (Orage au sommet).

Hokusai introduit également la perspective occidentale avec point de fuite et ligne d’horizon, (Surugadai à Edo) ou reprend l’enseignement de la peinture de lettrés continentale, scindant ses compositions entre une partie fournie et une autre qui s’ouvre sur le vide, matérialisée par le papier laissé presque à nu (Kajikazawa dans la province de Kai).
La collection Lekowicz au cœur de la redécouverte des grands maîtres de l’estampe
La collection Leskowicz n’est plus à présenter. Depuis ces dernières années, elle semble incontournable des grandes manifestations dédiées aux artistes emblématiques de l’estampe japonaise. L’exposition Hokusai – Voyage au pied du Mont Fuji s’inscrit dans la suite de cette mise à l’honneur de l’estampe ukiyo-e et du paysage plus particulièrement. Pourtant, une fois encore, on est saisi par les pièces qui s’offrent à notre regard ! Outre la richesse et la diversité contenues dans la collection Leskowicz, constituée sur plusieurs générations, qui permettent d’aborder différents maîtres (Hiroshige, Kuniyoshi, Utamaro… Hokusai bien sûr), on ne peut qu’être captivé par la fraîcheur des couleurs de ces estampes… qui semblent avoir traversé les siècles sans se faner !

L’imprimeur Nishimuraya Yohashi annonce en 1831 une série d’estampes de Hokusai à dominante de bleu : c’est ce que l’on appelle des aizuri-e. Cette série, c’est la série des Trente-six vues du Mont Fuji, de Hokusai ! Elle consacre le paysage comme un genre majeur dans l’estampe. La grande qualité de conservation des couleurs est essentielle pour apprécier, redécouvrir et comprendre l’influence que Hokusai a pu avoir sur son époque. Admirons ce bleu de Prusse, pigment rare à une époque de fermeture du territoire japonais ! Pourtant réputée instable, cette couleur se décline dans toutes les épreuves accrochées sur les cimaises avec une profondeur envoûtante. On comprend pourquoi la mode des aizuri-e s’est développée durant la décennie qui a suivi l’édition de cette série !
Ouverture : 24 vues sans Mont Fuji

En sortant de l’exposition dédiée à Hokusai, ne partez pas tout de suite ! Cette fois, montez les escaliers du pavillon central… vous arriverez dans une rotonde qui décline sous vos yeux 24 photographies contemporaines de Nicolas Boyer (né en 1972), tirées de sa série Japon, héritier d’une longue tradition dans laquelle Hokusai n’est pas étranger. Le maître de l’estampe et ses paysages fascinent les Occidentaux dès l’ouverture du pays en 1858. Afin de retrouver ces panoramas, les photographes affluent au Japon et participent à la construction visuelle fantasmée et stéréotypée du pays.

La France est l’un (sinon LE) pays le pus japonophile. Le photographe joue avec les clichés largement répandus et les insère dans des réalités sociales souvent plus éloignées de notre connaissance. Le paysage urbain devient le décors de théâtre dans lequel les figures évoluent pour refléter toute la complexité et les paradoxes d’un pays et d’une culture. Cette mise en parallèle invite le visiteur à admirer mais également à se confronter à certaines idées reçues ; entre l’admiration et le fantasme, il n’y a qu’un pas !
Ces deux expositions se terminent le 29 janvier 2023. Profitez de ces derniers jours pour passer par le Musée départemental des arts asiatiques à Nice. Du grand maître de la période d’Edo au photographe contemporain, l’écho qui résonne dans ces paysages parle à tous les âges !
En savoir plus :
- Toute la programmation autour de l’exposition se trouve en suivant ce lien.
- Sous la direction d’Adrien Bossard, Hokusai – Voyage au pied du Mont Fuji, éditions Fine Art, 2022.
- Sous la direction de Seiji Nagata & Laure Dalon, Hokusai, édition RMN, 2014.
- La collection Georges Leskowicz en ligne.
Illustration de couverture : Hokusai, Poème de Yamabe no Akahito, série Cent poèmes expliqués par une nourrice, 1835-1836, estampe de brocart (nishiki-e), 26,3 x 38 cm. Collection Georges Leskowicz © Fundacja Jerzego Leskowicza.
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