Kudara Kannon : le périple d’une sculpture japonaise en France

En 1997, le Japon exposait pour la première fois à l’étranger l’un de ses plus précieux trésors : la Kudara Kannon (百済観音), sculpture de l’époque d’Asuka (568-670). Vingt-cinq ans plus tard, Tokonoma vous propose de revivre le voyage de ce chef-d’œuvre jusqu’au cœur du Musée du Louvre… 

Une œuvre exemplaire

Reproduction de la Kudara Kanon, 1931-1932 (original VIIe siècle), 2,10 m, bois laqué et taillé avec la technique Ichiboku zukuri, plâtre, bronze, British Museum, Londres.

Cette sculpture en bois laqué réalisée dans un seul bloc de camphrier (ichiboku-zukuri) représente le bodhisattva Kannon (観音). Ce disciple de Bouddha, qui a choisi de retarder son accession à l’éveil pour aider les autres êtres à atteindre cet état, correspond à Guanyin en Chine et Avalokiteshvara dans le monde indien. Particulièrement célébré au Japon, il incarne la compassion, comme le suggère sa main tendue vers l’avant dans un geste du don.

Réalisation anonyme, la couronne nous renseigne toutefois sur l’origine de la sculpture, ou tout du moins sur la formation de ses auteurs. Les ornements incisés évoquent ceux des couronnes retrouvées dans les tombes royales du royaume de Baekje (18 A.E.C. – 660) en Corée ! En Effet, les échanges entre le continent et le Japon s’intensifient particulièrement à l’époque d’Asuka : bouddhisme, techniques de création et style sont autant d’importations culturelles représentées à travers la Kudara Kannon. Autrefois installée dans le bâtiment principal du temple Hōryū-ji à Nara avec trois autres sculptures de Kannon, elle est aujourd’hui conservée dans la galerie des Trésors du temple.

Le Temple Hōryū-ji à Nara, Wikimedia commons, image libre de droits publiée par l’utilisateur Nekosuki.

Un événement à célébrer

En 1997, les relations diplomatiques et culturelles franco-japonaises sont à l’honneur à l’occasion de l’Année du Japon en France. De nombreux événements marquent ces festivités organisées conjointement par les deux pays comme des spectacles, des expositions ou encore des échanges d’œuvres

Photographie de la Kudara Kanon prise avant 1917, Tokyo Fine Arts School and Tokyo Music School, Wikimedia commons, image libre de droits.

 Les Japonais, qui gardent encore le souvenir de la venue de la Vénus de Milo en 1964 puis de la Joconde au Musée National de Tōkyō en 1974, souhaitent marquer l’occasion en prêtant à la France un objet de la même valeur artistique, culturelle et symbolique. La Kudara Kannon est alors en restauration, à la suite du classement des temples de Nara au Patrimoine Mondial de l’UNESCO en 1993. Trésor national emblématique de son époque, ce prêt témoigne d’une volonté affirmée depuis près de deux décennies de renforcer les liens qui unissent le Japon et la France !

Un écrin pour un bijou

La Kudara Kannon n’est ni plus ni moins présentée dans l’institution muséale la plus connue et fréquentée du monde : le Louvre. Son rayonnement et le prestige de ses collections, à la hauteur de celui de la Kudara Kannon au Japon, sont déterminants dans cette décision.

L’exposition Kudara Kannon. Une sculpture du Japon ancien (10 septembre – 13 octobre 1997) est organisée par le Ministère de la Culture Français, l’Ambassade du Japon en France et la Fondation du Japon, réseau culturel nippon à l’étranger. Le président Jacques Chirac et le premier ministre japonais Hashimoto Ryūtarō rédigent chacun une préface pour le catalogue, qui rappellent les enjeux diplomatiques du prêt : exalter et renforcer les liens entre les deux pays en les présentant au grand public.

La salle du Manège, non loin de la Victoire de Samothrace et des très prisées peintures italiennes, est conçue comme un écrin. Pendant un mois entier, elle devient l’écrin exclusif de la Kudara Kannon pour souligner son caractère exceptionnel !

La salle du Manège au musée du Louvre, Wikimedia commons, image libre de droits publiée par l’utilisateur Albeins.

L’exposition est un véritable succès : d’après la Fondation du Japon, près de 300 000 visiteurs ont eu la possibilité de découvrir la sculpture en un mois. Les japonais profitent aussi par la suite du voyage exceptionnel de la Kudara Kannon hors des murs du Hōryū-ji lors de l’exposition organisée à son retour sur l’archipel du 26 novembre au 21 décembre 1997 au Musée National de Tōkyō.

Le prêt de la Kudara Kannon s’inscrit ainsi dans une histoire d’échanges symboliques de chefs-d’œuvre et de relations diplomatiques entre la France et le Japon, qui se poursuit au-delà des festivités de 1997. En effet, la France et le Musée du Louvre prêtent à leur tour un chef-d’œuvre à leur partenaire en 1999 suite à l’Année de la France au Japon : La Liberté guidant le Peuple d’Eugène Delacroix. D’autres festivals et continuent par la suite de célébrer ce lien, comme le 150e anniversaire des relations diplomatiques entre la France et le Japon en 2008 ou la saison culturelle des Japonismes en 2018.

En savoir plus

  • NISHIKAWA Kyōtarō (et al.), Kudara Kanon: une sculpture du Japon ancien, catalogue de l’exposition présentée au Musée du Louvre à Paris (10 septembre – 13 octobre 1997), Paris, Réunion des musées nationaux, 1997.
  • Vidéo en Japonais sur la Kudara Kannon et les sculptures du temple Hōryū-ji (sous-titres automatiques).

Image de couverture : Reproduction de la Kudara Kanon, détail, 1931-1932 (original VIIe siècle), 2,10 m, bois laqué et taillé avec la technique Ichiboku zukuri, plâtre, bronze, British Museum, Londres.

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