Ce ne sont pas moins de 220 estampes réunies autour de l’exposition intitulée « Shin Hanga, les estampes modernes du Japon 1900-1960 » qui viennent décorer les murs du somptueux musée royal Art & Histoire à Bruxelles, du 13 octobre 2022 au 15 janvier 2023. Si vous avez l’occasion de passer par Bruxelles, ne manquez pas la plus grande exposition jamais réalisée jusqu’à ce jour en Europe sur ces extraordinaires estampes du XXe siècle.
Que voir ?
Il s’agit de 220 estampes issues non seulement de la collection d’art japonais du musée Art & Histoire mais aussi de trois grandes collections néerlandaises et japonaises ! L’exposition nous dévoile des estampes jamais exposées nulle part ailleurs qu’au Japon. En effet, grâce à un prêt exceptionnel du petit-fils du célèbre éditeur Watanabe, le visiteur pourra apprécier quelques-unes des estampes Shin Hanga les plus rares au monde.
L’exposition propose de retracer l’histoire du mouvement, de son origine à son déclin. Comprenant un gigantesque espace d’exposition organisé en 9 salles, on y admire l’ensemble des thèmes proposés par le mouvement : des portraits de belles femmes (bijin-ga) aux paysages (fuke-ga) sans oublier les portraits d’acteurs (yashuka-e) ou représentations d’animaux (kacho-e).
Shin Hanga, c’est quoi ?

Le mouvement Shin Hanga (littéralement : « nouvelle estampe ») naît autour des années 1915 grâce à l’effort de son génial éditeur Watanabe Shozaburo (1885-1962). En effet, ce dernierqui restaure le système du hanmoto (travail conjugué de l’éditeur, du dessinateur, du graveur et de l’imprimeur, révolue depuis l’ère Meiji). Les estampes deviennent rapidement un achat de choix pour une clientèle aussi bien japonaise qu’américaine.
Très appréciées pour leur technique originale, les Shin Hanga remettent ainsi au goût du jour les grands thèmes de l’estampe Ukiyo-e. L’enjeu pour ces artistes du Shin Hanga est alors de proposer une forme artistique plus moderne que celle de leurs prédécesseurs. Le mouvement, qui connait un succès commercial très fort dès les années 1920, rencontre une période d’apogée dans les années 1920-1930 puis une période de déclin à la sortie de la seconde guerre mondiale jusqu’aux années 1960. C’est ce vent de renouveau que l’exposition se propose de retracer au sein des murs du musée Art & Histoire.
Une épopée d’un demi-siècle

Continuant le parcours chronologique de l’exposition Ukiyo-e qui s’achevait en 2017, les premières salles nous dévoilent de rares estampes de la fin de l’époque Edo (1603-1868) qui rapidement nous amènent à la création des premières estampes shin hanga.
On y admire alors les balbutiements du futur mouvement, avec notamment la célèbre série des Huit vues d’Omi réalisée par Ito Shinsui (1898-1972) en 1917, où se cherche encore la forme artistique aboutie du mouvement. Aux paysages se succèdent les portraits, et notamment les étonnantes expressions faciales des fameux portraits d’acteurs de Yamamaru Koka (1885-1942). Et si vous n’êtes pas très sensibles aux traditionnelles pièces de kabuki, peut-être le serez-vous davantage face aux scènes de la vie mondaine tokyoïte des années 1930 représentées par Kobayakawa Kiyoshi (1899-1948) dans les salles suivantes.
Cette longue aventure dans le Japon du début du siècle s’achève alors sur les paysages spectaculaires des années 1930 où l’on admire tout le brio des artistes shin hanga avec lequel ils ont su projeter une vision moderne de la nature tout en conservant l’identité d’un territoire national.
Une qualité technique exceptionnelle
L’exposition Shin Hanga est aussi l’occasion d’en apprendre davantage sur la technique de production d’estampe. En effet, à renfort de vidéo explicative et de vitrines d’outils, deux salles du parcours s’attardent sur les différentes étapes qui surviennent lors de la lente réalisation d’une estampe shin hanga… dont souvent la qualité a pu surpasser celle des estampes ukiyo-e.

On y admire alors des objets étranges comme le baren (frotton rond) qui était à l’origine de technique telle que le goma-zuri (graine de sésame) qui permettait de créer des effets de spirale…ou encore l’usage d’une fine pointe d’encre du pinceau et de la réserve de feuille pour réaliser les flocons de neige. Cette technique fît en partie la célébrité des estampes de Kawase Hasui (1883-1956)… Quel rendu !
Vous l’aurez compris, l’exposition Shin Hanga est incontournable pour quiconque s’intéresserait aux estampes japonaises. Vitrine géante sur la production artistique du Japon du début du XXe siècle, elle offre une vision globale de ce qu’a pu proposer le mouvement pendant cinquante ans. Et si ce dernier a eu de beau jours devant lui pendant quelques décennies… ce n’est pas le cas de l’exposition qui ouvre ses portes durant 3 mois. Alors dépêchez vous d’aller admirer ces estampes si uniques !
Pour aller plus loin :
L’ouvrage Shin hanga les estampes japonaises du XXe siècle, de Brigitte Koyama-Richard (2021), offre un aperçu très général et synthétique sur l’histoire du Shin Hanga
Dans le même registre, vous trouverez aussi le livre Shin Hanga du spécialiste européen du Shin Hanga, Chris Uhlenbeck (2022).
Et évidemment, le catalogue de l’exposition Shin Hanga qui retrace les grandes étapes du courant, à l’image de l’exposition.
Photo de couverture : Yoshida Hiroshi ( 1876-1950), Série : La mer intérieure, 1926, impression polychrome sur bois. Crédit photographique : Paul Minvielle.