Le Vase Mille fleurs, trésor de porcelaine du musée Guimet

En 1894, l’industriel Ernest Grandidier fait don à l’Etat français d’une collection sans équivalent en Europe : plusieurs milliers de céramiques chinoises, amassées pendant plus de vingt ans. Il devient par la même occasion le premier conservateur des céramiques chinoises du Louvre, qu’il installe dans la Grande galerie. Désormais, c’est au musée Guimet qu’il faut se rendre pour observer ces trésors !

Mille symboles

Avec sa forme massive et sa taille, presque 50 centimètres de haut, le Vase Mille fleurs est l’une des pièces les plus impressionnantes de la collection Grandidier. Mais c’est évidemment à son décor extrêmement sophistiqué qu’il doit sa célébrité. Il constitue un extraordinaire témoignage du goût du XVIIIe siècle chinois pour l’ornementation et le naturalisme. En effet, il est aisé de reconnaître chrysanthèmes, asters, pivoines, roses, iris ou camélias… Tout ce vocabulaire n’est pas simplement décoratif, mais a également un rôle auspicieux. Réunir toutes ces fleurs, c’est en effet bénéficier de la symbolique de chacune d’entre elles : le chrysanthème, qui fleurit à l’automne, évoque la persévérance, le camélia, le printemps et la renaissance, le magnolia symbolise la puissance, la pivoine la noblesse et l’opulence… La surcharge décorative est donc l’occasion de démultiplier la signification de l’objet !

Vase dit « Mille fleurs », porcelaine à décor d’émaux, règne de Qianlong (1735-1796), Musée Guimet. Image libre de droits.

Un vase impérial

Jeune garçon, Chine, XVIIIe siècle, porcelaine à décor d’émaux sur couverte. The Metropolitan Museum of Art, New York. Image libre de droits

Sous la base de la jarre est peinte la marque du règne de l’empereur Qianlong (1735-1796), attestant de la destination impériale de cette pièce. Qianlong, comme son père Yongzheng (1722-1735) et son grand-père Kangxi (1661-1722) avant lui, joue un rôle majeur dans le développement des arts. Il protège des artistes et admire tout particulièrement le talent des Jésuites européens installés à sa cour, comme Giuseppe Castiglione ou Jean-Denis Attiret. C’est peut-être à cette influence occidentale croissante que l’on doit le réalisme avec lequel sont peintes les fleurs du vase de la collection Grandidier. Par ailleurs, les céramistes de la dynastie des Qing (1644-1912) ont souvent tenté d’imiter d’autres matières, comme le brocart de soie. C’est probablement ce qui a inspiré ce décor chatoyant. A titre de comparaison, le Metropolitan Museum of Arts de New York conserve une statuette d’enfant en porcelaine, revêtu d’un vêtement recevant lui aussi un décor de mille fleurs.

Un tour de force technique

Cette provenance impériale explique la sophistication des techniques employées, qui relèvent d’un tour de force. Après avoir fait subir au corps une première cuisson, les artisans des fours de Jingdezhen le recouvrent entièrement d’émaux colorés. La pose de ce décor se déroule dans un atelier à part, gardé secret en raison de la grande valeur des oxydes métalliques destinés à produire la couleur. On utilise l’oxyde de fer pour le rouge et le jaune, l’oxyde de cobalt pour le bleu, l’oxyde de cuivre pour le vert et l’oxyde de manganèse pour le violet. En plus de ces couleurs, le vase reçoit des émaux roses et blancs, ce qui le rattache à la « famille rose » (falangcai). Ce type de porcelaine, apparu sous le règne de Yongzheng se caractérise par l’usage de rose issu du chlorure d’or, et de blanc issu de l’arsenic. Ces deux couleurs étaient auparavant absentes de la peinture sur porcelaine.

A ces matières premières précieuses s’ajoutent des techniques de pose complexes. Les fleurs sont incisées, peintes au pinceau, et des dégradés subtils sont créés avec de l’émail soufflé à travers une fine gaze de soie, permettant à la couleur de se déposer en très petite quantité. Ces différentes couches d’émaux sont cuites en plusieurs fois, et une dernière cuisson intervient pour fixer l’or qui entoure le col et le pied du vase. De quoi occuper les artisans de Jingdezhen pour un certain temps

Par son aspect, sa provenance mais aussi sa technique, le Vase Mille fleurs constitue donc l’une des pièces les plus importantes de la très riche collection de porcelaines chinoises du musée Guimet. Direction la place d’Iéna à Paris pour l’admirer en vrai, ou en ligne pour voir sa version 3D numérique !

Pour aller plus loin :

Image de couverture : Détail du Vase Mille fleurs, Musée national des Arts asiatiques Guimet. Image libre de droits, Wikimedia Commons.

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