Histoire des cœurs fidèles, une redécouverte dans les musées d’Orléans

L’exposition Kuniyoshi, le démon de l’estampe qui s’est tenue en 2015 au Petit Palais a offert un coup de projecteur sur cet artiste japonais de l’époque Edo. Moins connu des Européens que ses contemporains Utagawa Hiroshige (1797-1858) et Katsushika Hokusai (1760-1849), Utagawa Kuniyoshi (1798-1861) offre pourtant des univers captivants par ses couleurs, l’expressivité de ses personnages et ses sujets. Son œuvre inspire les générations qui lui succédent. Il est notamment connu pour ses séries représentant de grands personnages historiques : l’ensemble de 51 estampes de 1847 intitulé Histoire des vassaux fidèles (ou Seichû gishiden) cristallise les 47 rônins en pleine action ! Si cette série a été abondamment collectionnée dès le XIXe siècle, celle qui lui fait pendant est beaucoup plus compliquée à trouver dans les collections publiques en France. Tokonoma vous ouvre les portes de l’Hôtel Cabu, Musée d’histoire et d’archéologie à Orléans pour vous faire découvrir cette petite sœur endormie : Histoire des cœurs fidèles (Seichû gishinden) !

Derrière chaque grand homme, un soutien sans faille

« Ishi-jo, épouse d’Ôboshi Yoshio », série Histoire des cœurs fidèles, Utagawa Kuniyoshi, 1848, Musée d’histoire et d’archéologie, Orléans. Crédit photo : Mathilde Rétif.

La série Historie des cœurs fidèles a été éditée en 1848, soit un an après l’Histoire des vassaux fidèles. Si la première s’attache à représenter les personnages de l’histoire des 47 rônin, la seconde présente les épouses, les mères et les filles de ces guerriers dont l’attitude et le dévouement constituent un parangon de vertu et un exemple à suivre pour les femmes de l’aristocratie à l’époque Edo (1603-1868). 

Seichû gishin den met en avant 18 figures. La simplicité de la composition concentre toute l’attention du spectateur sur le personnage présenté. Parmi eux, nous pouvons retrouver Ishi-jo, épouse d’Ôboshi Yoshio qui exhorta son fils à respecter son devoir de samourai, protégea le domaine familial pendant l’absence de son mari et qui réalisa le jigai (suicide rituel féminin) à la mort de ce dernier : elle incarne la conduite à suivre pour les femme de la noblesse de l’époque Edo !

Une oeuvre caractéristique de Kuniyoshi

Impératrice Jingô, série 100 héros de grande renommée, 1844. Image libre de droits.

Si la série d’estampe d’Orléans est malheureusement incomplète, la qualité de conservation permet de rendre compte de la magnificence des couleurs employées et de la maîtrise de la technique d’impression. Le personnage est immortalisé en pleine action !

Kuniyoshi a recourt à une composition qu’il expérimente déjà dans certaines estampes de la série 108 héros au Bord de l’Eau (1827). Elle devient caractéristique à partir de 1844 et sa série 100 héros de grande renommée : le titre de la suite se déroule dans un cartouche rouge dans le quart supérieur droit de la feuille ; toute l’attention est portée sur le personnage qui occupe les trois quarts de la composition ; un texte calligraphié sur le quart supérieur de la page relate l’histoire du protagoniste. 

Le style de Kuniyoshi se caractérise par son traitement théâtral des figures et leur grande expressivité : il s’inspire des instants dans lesquels les acteurs de kabuki s’immobilisent pour accroître l’effet dramaturgique et suspendre le temps (technique appelée en no mie).

Réception de Kuniyoshi et collection au XIXe siècle : pistes à étudier

Petite soeur d’Aihara Esuke Munefusa, série Histoire des cœurs fidèles, Utagawa Kuniyoshi, 1848, Musée d’histoire et d’archéologie, Orléans. Crédits photo : Mathilde Rétif.

Si l’artiste accède à la reconnaissance publique dans son pays d’origine, il tarde à se faire une place dans le panthéon des artistes lors de la redécouverte de l’art japonais par les Européens. Avec la fin de l’ère Edo, l’estampe inonde le marché de l’art occidental : Utamaro (1753-1806), Hiroshige et Hokusai représentent les trois principales sources d’admiration et d’inspiration !

Il faut attendre la publication du mensuel Le Japon artistique par Sigfried Bing en 1888 pour que l’artiste soit réhabilité. Il est indiscutable que l’artiste bénéficie d’un coup de projecteur indiscutable qui attire l’oeil des collectionneurs. 

A l’heure actuelle, nous ne savons que peu de choses sur les neuf estampes de la série conservée à Orléans : elles ont été données au musée en 1901 (période de plein engouement pour l’artiste) par un collectionneur local, Louis-Marie-Paul Guillaume. Il s’agit pourtant de son seul don d‘art japonais au musée. Un travail plus approfondi sur la recherche de provenance est à mener : lever le voile sur ce collectionneur, la raison de son don, son rapport à l’art japonais, la façon dont il s’est procuré ces œuvres… il y a encore plein de mystères à explorer !

Série réalisée à l’apogée de la carrière de Kuniyoshi, l’Histoire des cœurs fidèles se retrouve de manière bien mystérieuse dans les collections du Musée d’histoire et d’archéologie d’Orléans. Une étude de provenance plus approfondie est à prévoir dans les mois prochains afin de tenter d’apporter toutes ces réponses au grand public lors de l’exposition centrée sur ces œuvres qui ouvrira en 2023. Affaire à suivre ! En attendant, chers lecteurs, si par hasard vous possédiez des gravures de cette série, n’hésitez pas à contacter le Musée !

Pour aller plus loin

  • Iwakiri Yuriko, Rio Gaëlle, Kuniyoshi, Le démon de l’estampe, 2015, éditions Paris Musées ;
  • Weinberg, David R., The faithful samurai, 1997, éditions Hotei ;
  • Découvrir l’intégralité de la série ;
  • Découvrir le catalogue raisonné collectif en ligne : Kuniyoshi project.

Illustration de couverture : Kashiwagi-Daiyû, la courtisane de Shimabara, série Histoire des cœurs fidèles, Utagawa Kuniyoshi, 1848, Musée d’histoire et d’archéologie, Orléans. Crédit photo : Mathilde Rétif.

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