Après six années de rénovation, le musée départemental Albert Kahn, situé à Boulogne-Billancourt, a enfin rouvert ses portes le samedi 2 avril 2022. Organisé autour d’un nouveau bâtiment conçu par l’architecte japonais Kengo Kuma et de son emblématique jardin, le musée abrite l’exceptionnelle collection d’autochromes du banquier Albert Kahn (1860-1940). Embarquez avec nous pour un tour du monde au départ de Boulogne-Billancourt !

Albert Kahn, banquier et philanthrope

D’origine alsacienne, Albert Kahn (1860-1940) construit sa fortune sur l’exploitation minière grâce à sa banque installée à Paris. Dès 1898, il lance de multiples projets philanthropiques au service de la société et du développement des savoirs. Son projet le plus ambitieux est certainement les Archives de la planète, un projet initié en 1909 et dont la vocation est la représentation totale du monde afin d’émerveiller ses contemporains et d’instruire les générations futures. Tout un programme !
Albert Kahn entreprend un voyage autour du monde entre novembre 1908 et mars 1909 accompagné de son chauffeur mécanicien Albert Dutertre. Ce périple est d’ailleurs l’objet de la première exposition temporaire du nouveau musée, intitulée « Autour du monde. La traversée des images d’Albert Kahn à Curiosity», visible jusqu’au 13 novembre 2022. Dutertre, formé pour l’occasion à la prise de vue photographique et cinématographique, livre un témoignage de ce voyage à travers son journal. Prenant pour départ un voyage d’affaire au Japon, le troisièm e du banquier, ce dernier les mène jusqu’en Chine, en Asie du Sud-Est et en Amérique du Nord.
Les archives de la planète, documenter et comprendre le monde


À son retour de voyage, Albert Kahn décide d’entreprendre son projet des archives de la planète et nomme Jean Bruhnes, géographe, à la direction scientifique. Ce dernier résume le projet ainsi » employer des instruments qui viennent de naître pour saisir et conserver les faits de la planète qui vont mourir. » Entre 1909 et 1931, il engage une douzaine d’opérateurs, qui sillonnent le monde, équipés de leur cinématographe et de leurs plaques autochromes, premier procédé de photographie couleur inventé par les frères Lumières en 1902. Ils en rapportent 72.000 plaques et 180.000 mètres de pellicule de cinéma qui forment le cœur de la collection d’Albert Kahn et en fait la plus grande de ce type au monde.
Parmi ces opérateurs, Stéphane Passet se rend en Chine et en Mongolie en 1912-1913 et Roger Dumas est chargé de la mission Japon en 1926-1927. Après un voyage dans les sites emblématiques de la Chine, Passet, militaire de formation, décide de s’aventurer sur les terres mongoles, hors des sentiers battus, obtenant ainsi des images rares au plus près de la population. Robert Dumas, portraitiste de métier quant à lui, pénètre au cœur de l’aristocratie japonaise grâce à des liens tissés avec la famille impériale du Japon. Immergé dans la culture nippone, il assiste en 1927 aux funérailles de l’empereur Taisho-Tenno et en rapporte un témoignage aussi intime qu’exceptionnel.
La propriété d’Albert Kahn, un écrin au projet philanthropique

Dès le début du projet, la propriété d’Albert Kahn à Boulogne Billancourt est le siège des multiples projets philanthropiques du banquier. Il achète entre 1892 et 1910 une vingtaine de parcelles ainsi qu’un hôtel particulier. Aidé de son chef jardinier Louis Picart, il crée un jardin unique dans la lignée des parcs dit » à scène » du XIXe siècle. Composé de sept scènes paysagères, le jardin est pensé dans la lignée de la vision humaniste d’Albert Kahn afin de symboliser la coexistence harmonieuse des diversités. C’est un véritable manifeste de paix qui fait écho à la vie du banquier. Scène sûrement la plus emblématique du jardin, le village japonais, particulièrement étendu et complexe, est ponctué de deux maisons traditionnelles achetées par Albert Kahn lors d’un voyage au Japon en 1897 : livrées en pièces détachées, elles ont été entièrement remontées par des charpentiers nippons ! Si ce jardin est à replacer dans le contexte du Japonisme, il n’en évoque pas moins l’attachement particulier de son concepteur pour le Japon.
Le krach boursier de 1929 a raison de la fortune d’Albert Kahn qui fait faillite et doit se résoudre à vendre sa propriété et ses précieux autochromes. L’ensemble est racheté en 1936 par le département de la Seine.

En jouant sur la notion japonaise d’engawa, espace limitrophe entre intérieur et extérieur, le nouveau bâtiment pensé par Kengo Kuma accentue la porosité entre jardin et musée et crée un lien entre les différents projets d’Albert Kahn, les Archives de la planète et le jardin. Grâce à des dispositifs de médiations interactifs et immersifs, la collection est mise en valeur et le grand projet de Kahn prend tout son sens, émerveiller ses contemporains et les sensibiliser à ses idéaux de paix. Alors direction Boulogne-Billancourt, l’occasion idéale de découvrir cette collection unique au monde tout en flânant sous les cerisiers en fleurs !
En savoir plus :
- Retrouvez les informations pratiques sur le musée départemental Albert Kahn ici
Image de couverture : Stéphane Passet, cavalier mongol sur la route d’Ourga, Mongolie, 1913, A3957 © Département des Hauts-de-Seine / Musée départemental Albert-Kahn-Collection Archives de la Planète