Shin Hanga : Le renouveau de l’estampe japonaise

Initié au début du XXe siècle sous l’impulsion du génial éditeur Watanabe Shōzaburō(1885-1962), le Shin Hanga (nouvelles estampes) se présente comme le prolongement des estampes des célèbres artistes japonais du XIXe siècle … Entre tradition et modernité, qu’est-ce donc le Shin Hanga ?

L’action d’un homme

Shin Hanga n’est pas un courant artistique au sens entendu du terme. On parlerait plutôt d’un regroupement d’artistes réunis autour d’un homme : l’éditeur Watanabe Shōzaburō. En effet, son entreprise « Watanabe Hanga Ten » (Watanabe estampes xylographiques) qui voit le jour en 1909 dans le quartier de Kyōbashi à Tōkyō est à l’origine d’une nouvelle approche de l’art de l’estampe.

 Vue de l’atelier d’édition de Watanabe Shōzaburō en 1935. Image libre de droit.

L’éditeur parle alors de « Shinsaku Hanga » (estampes faites récemment) pour désigner ces œuvres qui à ses yeux représentent une nouveauté stylistique et technique par rapport aux estampes « Ukiyo-e » !

Avec l’avènement de l’ère Meiji (1868-1912), le Japon avait connu une ouverture explosive vers la modernité dont les Américains en étaient les premiers promoteurs. L’ère Taishō (1912-1926) puis l’ère Showa (1926-1889) poursuivent ce processus économique.

Ainsi, cette clientèle étrangère qui déjà raffolait d’estampes « Ukiyo-e » découvre ses nouvelles estampes Shin Hanga… qui rencontrent alors un succès important. Conformément à la demande de plus en plus pressante de cette clientèle, Watanabe Shōzaburō adapte la production de ses estampes au sein de son entreprise…qui devient plus rapide, sérielle, à moindre coût et de plus petit format !

Une multitude d’artistes ralliés sous une bannière

Très rapidement, à partir des années 1910, la rencontre de l’éditeur avec de nombreux artistes enclenche une période de production intensive au sein de l’entreprise. On observe alors une explosion de nouveaux thèmes : les paysages d’Hiroshi Yoshida (1876-1950) croisent les « Bijin-ga » (beautés féminines) de Kobayakawa Kiyoshi (1899-1948) ; les portraits d’acteurs de Kabuki réalisés par Natori Shunsen (1886-1960) côtoient les nues d’Ishikawa Toraji (1875-1964). On note alors une vraie fascination pour les paysages, thème de prédilection du courant !

Itō Shinsui (1898-1972), Femme se noircissant les sourcils, 1928 Gravure sur bois en couleurs, 28,2 × 40,2 cm Collection Elise Wessels – Nihon no hanga, Amsterdam. Image libre de droit.

A l’instar des estampes de Kawase Hasui (1883-1957) dont les nombreux voyages effectués à travers le Japon vont constituer une source d’inspiration majeure pour ses œuvres, l’autre grand thème en vogue, issue de la tradition artistique du XIXe siècle, est celui des Beautés féminines, les « Bijin-Ga ». La célèbre Femme se noircissant les sourcils, faite en 1928 par un des artistes majeurs du courant, Itō Shinsui (1898-1962) fût ainsi utilisée pour l’affiche promotionnelle de l’exposition Shin Hanga : Vagues de Renouveau à la fondation Custodia, à Paris, en 2019… presque 90 ans après.

Renouvellement d’une tradition 

Si les estampes Shin Hanga se présentent  comme « un regard romantique tourné vers le passé qui tente de recapturer la gracieuse beauté des anciennes estampes Ukiyo-e », il ne faut pas y voir qu’une simple reproduction des estampes Ukiyo-e, bien au contraire.

En effet, nombreux sont les changements stylistiques proposés par ces nouvelles estampes. Et si l’on compare les représentations du mont Fuji par Katsushika Hokusai (1760-1849) à celle de Kawase Hasui, on voit rapidement la nouveauté qui imprègne les estampes du Shin Hanga. A un décor atmosphérique, empreint de larges aplats de couleurs, caractéristiques de l’art d’Hokusai , succède une précision du dessin et un nuancier de coloris bien plus marqué. L’œuvre de Kawase Hasui, de plus petite dimension cherche ainsi à exprimer, non sans poésie, une réalité concrète et authentique !

Kawase Hasui, Après la neige à Yoshida, 1944, 14,5x20cm. Image libre de droit.
Katsuhika Hokusai, Levée de soleil à Isawa dans la province de Kai, Série des trente-six vues du Mont Fuji, 1830-1832, 25,1×37,1cm,The Metropolitan museum. Image libre de droit.

Poésie et nostalgie, voilà peut-être ce qui caractérise le mieux ce mouvement qui connait un déclin à partir des années 1960, avec la mort de son éditeur emblématique Watanabe Shōzaburō (1962) et de son artiste phare Kawase Hasui (1957). Sans héritiers, ces fascinantes estampes laissent alors progressivement place à une nouvelle scène artistique contemporaine incarnée par des mouvements tels que Gutaï et plus tard Mono-Ha.

Pour aller plus loin

Brigitte Koyama-Richard, Shin-Hanga, Les estampes japonaises du XXème siècle, nouvelles-éditions Scala, 2021, Paris.

Marie-Noëlle Grison, Vagues de renouveau : Estampes japonaises modernes (1900-1960), Chris Uhlenbeck et Amy Reigle Newland, coll.Fritz Lugt, Paris, 2018.

Till Barry, The New print Movement of Japan, Pomegranate Communication Inc, 2007.

Une très belle collection consultable en ligne qui raconte l’histoire des estampes Shin Hanga.

Photo de couverture : Hiroshi Yoshida, Hayase, 1930, gravure sur bois, 39,2cm x 27cm, Musée de Nouvelle-Zélande

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