La porcelaine imari : origine et postérité

Depuis les fours impériaux de Jingdezhen, où sont produites par milliers des porcelaines, la dynastie des Ming (1368-1644) a la mainmise sur les comptoirs commerciaux en Eurasie. Cela change brutalement lorsque les armées de la nouvelle dynastie mandchoue des Qing (1664-1912) s’emparent des provinces du bas Yangzi où se situe toute la production des céramiques. De ce fait, la Chine ralentit son exportation vers l’Occident entre 1646 et 1684. Le Japon profite de cette situation pour mettre en avant sa propre production de porcelaine. En effet, depuis sa réunification par Tokugawa Ieyasu en 1603, le pays connaît une forte croissance commerciale et l’aristocratie développe un intérêt pour la porcelaine. Cela provoque la fin du monopole de la Chine, et l’apparition de nouveaux styles de décors dans la porcelaine comme les imari dont la production débute en 1616 dans la région d’Arita, sur l’île de Kyûshu.

La porcelaine imari

Cette porcelaine japonaise possède deux types de décor utilisés simultanément : d’abord un décor à l’oxyde de cobalt appliqué sous la couverte, puis un décor d’émail appliqué sur la couverte. Celle dite sur couverte possède des motifs de couleurs peints sur une porcelaine qui est déjà cuite, complétés par l’or appliqué en dernier et cuit à 680°C. La décoration dite sous couverte, comme l’indique son nom, est l’application des décors avant le bain de glaçure.

Large plat, porcelaine Imari fabriqué dans la région d'Arita, 1ère moitié du XVIIIème, 54 cm, The Holburne museum, Angleterre.
Large plat, porcelaine Imari fabriquée dans la région d’Arita, 1ère moitié du XVIIIème, 54 cm, The Holburne museum, Angleterre.

Le nom de cette porcelaine vient de son premier lieu d’exportation, le port d’Imari. Elle se caractérise par trois couleurs : le blanc du kaolin qui tapisse le fond, le rouge de fer, accompagné de touches d’or et le bleu de cobalt. Ce dernier pigment est d’ailleurs importé directement de Chine, les sols japonais ne contenant pas d’oxyde de cobalt de bonne qualité. Cependant cette importation se termine vers la fin de l’époque Edo (1600-1868), les Japonais utilisent alors un bleu chimique de couleur très vive. Ce nouveau bleu appelé bero-ai (signifiant « bleu de Berlin ») fut importé par le chimiste allemand Gottfried Wagner invité par les autorités japonaises pour moderniser la production de porcelaine. Ce large plat provenant du Holburne Museum illustre bien l’utilisation de ces couleurs, il est décoré de nombreux motifs floraux qui sont très souvent utilisés dans la porcelaine Imari. 

Une porcelaine au goût des Européens

La porcelaine Imari connaît un certain succès car à partir de 1757, elle est exportée vers l’Europe surtout dans le milieu aristocratique. 

BOITE A THE, Chine - règne de Kangxi (1662-1722), entre 1700 et 1720. Musée de la Compagnie des Indes, Ville de Lorient. Don de la Société des Amis du Musée, 2000 Inv 2000.4.7
Boîte à thé , Chine – règne de Kangxi (1662-1722), entre 1700 et 1720. Musée de la Compagnie des Indes, Ville de Lorient. Don de la Société des Amis du Musée, 2000 Inv 2000.4.7

Les Hollandais, notamment, avec leur compagnie orientale des Provinces-Unies (Dutch Vereenigde Oost- Indische Compagnie), souhaitent remplacer la porcelaine chinoise moins accessible. Ces derniers ont le monopole du commerce avec le Japon, étant les seuls étrangers autorisés à résider à Dejima, une île artificielle située dans la baie de Nagasaki spécialement conçue pour le commerce et pour empêcher les étrangers de mettre pied à terre directement au Japon.

Ces échanges amènent la porcelaine japonaise à évoluer et à connaître différents styles avec des décors « européanisés » afin de s’adapter à cette nouvelle clientèle, qui voit cette porcelaine comme un produit de luxe. Mais avec l’isolement du Japon mis en place de la fin du XVIIe siècle au milieu du XIXe siècle, la Chine en profite pour reprendre le commerce avec les Occidentaux, et se met à produire des « Imari Chinois », aussi appelés porcelaine « de la Compagnie des Indes », comme nous pouvons le voir avec cette boîte à thé qui reprend l’iconographie chinoise en copiant une typologie de porcelaine japonaise.

Bien sûr, les Chinois ne sont pas les seuls à produire cette porcelaine très abordable au niveau de la fabrication. Les Allemands vont s’inspirer du répertoire et des couleurs de ces Imari à Dresde (Saxe) en 1708 (manufacture de Meissen), suivis presque immédiatement par Vienne et la France. En France c’est d’abord Bayeux et Isigny qui la reproduisent au début du XIXe siècle, puis Paris et Limoges au XXe siècle. En Angleterre tout le royaume s’inspire de cette porcelaine, et notamment au Staffordshire, qui adopte ce style à la fin du XVIIIe siècle. Le XIXe siècle verra donc une abondance de décors dits « imarisant ».

Pour en savoir plus :

Gars, Georges Le, Imari : faïences et porcelaines du Japon, de Chine et d’Europe : histoire d’un style, Massin, 2004.

Trousselle, Yvan, La voie du imari : l’aventure des porcelaines à l’époque Edo, CNRS éd., Paris, 2008. 

Kôji Ôhashi (commissaire d’exposition), Imari : Porcelaines des shôgun et des souverains d’Europe de 1610 à 1760 : exposition, 26 novembre 2004- 2 avril 2205, Maison de la culture du Japon à Paris, Maison de la culture du Japon Editeur scientifique Electa, 2004.

Article par Irène Fauquenot

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