Les Missions Etrangères de Paris en Asie : l’évangélisation par la culture

Père Auguste Flachère, Vue d’un torii au Japon, vers 1920-1930, crédit : Institut de recherche France Asie

Tokonoma vous propose un nouvel article inaugurant notre partenariat avec l’AFAO, l’Association Française des Amis de l’Orient. Il fait suite à la conférence sur l’histoire de la Société des Missions Etrangères en Asie proposée par l’association le 8 avril dernier et donnée par Françoise Buzelin, chargée d’études pour la Société. Fondées en 1663, les Missions Etrangères de Paris (MEP) sont une société catholique ayant pour vocation l’évangélisation des pays non catholiques et en particulier ceux d’Asie.

Les Grandes découvertes : un nouveau partage du monde 

Mgr Félix Ridel, Portrait d’un lettré coréen, vers 1875, crédit : Institut de recherche France Asie

Pour bien comprendre le contexte de création des Missions Etrangères au XVIIe siècle, il faut remonter un peu plus tôt, aux XVe et XVIe siècles. La « découverte » de nouvelles terres par les Européens, dont l’Amérique par Christophe Colomb en 1492, donne naissance à une nouvelle vision du monde. L’ occident, dominé par les royaumes catholiques d’Espagne et du Portugal, se partage alors ces terres sous la forme de patronages et le pape attribue l’Asie au roi du Portugal. Dans une volonté d’évangélisation de ces nouveaux territoires conquis et exploités, les premiers missionnaires sont envoyés en Asie et le jésuite François-Xavier (1506-1552) aborde à Kagoshima au Japon en 1549. Impressionné par cette nouvelle culture, il prend conscience de la nécessité de réformer les méthodes d’évangélisation pour s’appuyer davantage sur la collaboration : c’est la naissance de la méthode jésuite. Il ne faut pas oublier que christianiser, c’est aussi réaffirmer le pouvoir de l’Eglise catholique et l’étendre.

La réforme et la naissance des missions étrangères

Les shogun de l’époque Momoyama (1573-1603) et Edo (1603-1868) voient d’un mauvais œil cette évangélisation du Japon et en 1614 le christianisme est interdit et persécuté. L’archipel ferme ses frontières à l’exception d’un comptoir hollandais à Dejima. Ces persécutions sont un véritable traumatisme pour les empires européens qui se rendent compte des défaillances du système et du besoin de créer un clergé autonome formé de prêtres autochtones afin d’éviter les persécutions : l’idée des Missions Etrangères est née. En 1658, trois vicaires français sont envoyés en toute discrétion par le Pape en Asie avec pour ordre de former des prêtres autochtones. Ils doivent observer deux règles : respecter les cultures locales et s’abstenir de participer à toute vie politique.  L’un d’entre eux , Monseigneur Pierre Lambert de la Motte, arrive en Thaïlande après un an et demi de voyage et fonde un séminaire à Ayutthaya. Il reste par la suite un point d’ancrage essentiel des Missions Etrangères, au même titre que Malacca en Malaisie et Hong Kong. Les Missions Etrangères essaiment à travers l’Asie, allant à la rencontre des peuples autochtones et vivant parmi eux. L’évangélisation passant par l’apprentissage des langues locales, certains vicaires apostoliques, comme on appelle les missionnaires, deviennent de véritables scientifiques et apportent une contribution notable à l’étude des langues locales.

Père Ernest Pic, Mariage catholique en Mandchourie, 1906, crédit : Institut de recherche France Asie

L’époque des persécutions

Le Père Paul Vial en costume de l’ethnie Miao au Yunnan, vers 1897, crédit : Institut de recherche France Asie

A la fin du XVIIIe siècle et au XIXe siècle, les Missions Etrangères sont ralenties en raison de la Révolution française puis des persécutions. Les vingt-trois années qui s’écoulent entre 1792 et 1815 marquent une pause dans l’action des Missions Etrangères. Le séminaire de la rue du Bac, siège des MEP et lieu de formation des futurs missionnaires, est saisi et n’est réouvert qu’en 1815 sur ordre de Napoléon. Le développement de l’empire colonial français au Vietnam et les guerres de l’Opium (1839-1860) en Chine provoquent un fort sentiment anti-chrétien et un rejet des Occidentaux : de nombreux prêtres et chrétiens sont alors massacrés. Le premier prêtre persécuté est Monseigneur Gabriel Taurin-Dufresse, décapité à Chengdu, au Sichuan (Chine) en 1815. C’est paradoxalement la période pendant laquelle les Missions Etrangères connaissent leur heure de gloire avec une expansion maximale en Asie et un nombre de missionnaires encore jamais atteint. L’important séminaire de la Rue du Bac, siège des Missions Étrangères, en est le reflet.

Le siège des Missions Etrangères de Paris au 128 rue du Bac à Paris, domaine public

La Société des Missions étrangères est toujours en activité et son siège est abrité au 128 de la rue du Bac, autrefois appelé l’Ecole polytechnique des martyrs. Son patrimoine, composé d’objets rapportés par les Pères missionnaires, de documents personnels, administratifs et de cartes, y est conservé et étudié au sein de l’IRFA, l’Institut de Recherche France Asie. Touchant à la fois la linguistique, l’ethnologie, la botanique et la philosophie, ces documents reflètent la philosophie des Missions Etrangères de Paris : évangéliser grâce à l’apprentissage de la langue et la culture locale, dans le respect des peuples.

En savoir plus :

Pour retrouver tout le programme de conférences de l’AFAO

Synthèse d’une conférence donnée par Françoise Buzelin en 2018

Image de couverture : Père Adrien Launay, Carte générale des missions MEP, 1890, crédit: Institut de recherche France Asie

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