Arme emblématique des guerriers japonais et notamment des samouraï, l’utilisation du sabre est attestée dès le VIIIe siècle. La classe des samouraï naît avec la mise en place du régime militaire ou bakufu en 1336. Le terme samouraï vient du verbe saburau qui signifie « servir », « rester à côté de ». Il appartient à une classe supérieure de guerriers, officiant en tant que garde de la cour et de la haute noblesse. Avec la proclamation du bakufu, le pouvoir politique et militaire passe entre les mains du shôgun et ce jusqu’en 1868, date de la restauration de Meiji. L’Empereur retrouve alors les pleins pouvoir et le système shogunal est aboli. Le port du sabre est interdit en 1876 et les milliers de samouraï que compte le Japon se retrouvent « au chômage ». Vous avez sûrement déjà entendu parler de katana, peut-être sans trop savoir à quoi ce terme se rapporte, si ce n’est une arme japonaise. C’est pourquoi Tokonoma vous emmène à la découverte du monde fascinant et quelque peu technique des sabres japonais.

Tantô, Katana et Wakizashi
Les sabres japonais ont évolué au cours de leur histoire suivant les différents modes de combat et sont classés en plusieurs périodes : kotô (900-1530), shintô (1530-1867) et shinshintô (après 1868). Type le plus ancien, le tachi est un grand sabre porté par les guerriers à cheval, accroché à la taille par des cordons de soie, la lame vers le bas. Il fait entre 1m15 et 1m30 de long, est pourvu d’une lame à un seul tranchant et d’une poignée assez longue pour le manier à deux mains.

Autour du XIIe siècle, le combat à pied au corps à corps est privilégié donnant naissance à un nouveau type de sabre: le katana. Le katana est un sabre plus court que le tachi, d’une longueur variant entre 80 cm et un mètre, porté à la ceinture par les samouraï, à gauche en temps de paix, le tranchant de la lame vers le haut. A partir de l’époque Momoyama (1573-1603) et jusqu’à la fin de l’époque Edo (1603-1868), les samouraï prennent l’habitude de porter deux sabres en même temps, c’est ce que l’on appelle un daishô. Il se compose d’un katana, accompagné d’un autre sabre plus court, le wakizashi. Ce dernier se porte également à gauche et a une longueur entre 60 et 72 cm. En temps de guerre, le daishô de sabres peut être complété par un poignard assez long, sans garde, appelé tantô.
Le port de deux sabres est un privilège réservé exclusivement aux samouraï. La classe des marchands n’a le droit de ne porter qu’un seul sabre, privilège aboli en 1668. Le sabre est un objet de prestige, extrêmement couteux, que tout samouraï rêve de posséder. Il est transmis de génération en génération et incarne l’esprit du guerrier qui le manie. Il existe de nombreuses écoles de maîtres forgeron spécialisés dans la forge des lames de sabre.
Les montures de sabre : tout un art
Tsuba, cuivre incrusté de cuivre et métal doré, vers 1750-1820 © Victoria and Albert Museum, London. Tsuba à décor de serpent, alliage de zinc et cuivre, signée Zuiryuken Terutomo, vers 1860,
© Victoria and Albert Museum, London.Tsuba figurant Bishamonten et Benzaiten, shibuichi incrusté d’or et d’argent, vers 1750-1800 © Victoria and Albert Museum, London.
Une fois la lame forgée, il est nécessaire de la monter, c’est-à-dire de lui adjoindre un ensemble d’éléments permettant de l’utiliser à savoir : une garde ou tsuba, une poignée et un fourreau ou saya. Ces éléments sont tenus ensemble grâce au mekugi, un rivet en bois placé dans un trou situé dans la poignée. Un sabre peut donc facilement se démonter et tous les éléments décoratifs peuvent ainsi se collectionner. C’est notamment le cas des tsuba. Tous ces éléments font l’objet d’un grand soin et portent un décor correspondant à la personnalité du guerrier. Plus le guerrier est d’un rang élevé, plus le tsuba est luxueux dans l’ornementation et les techniques utilisées. On retrouve généralement un thème décoratif similaire entre les différents éléments de la monture. Le fourreau quant à lui est orné du môn ou emblème du clan auquel le guerrier appartient. Dès l’époque Nara (710-794), les montures des sabres sont particulièrement élaborées, faites d’un fourreau en bois laqué, d’un tsuba et d’une poignée en métal incrustés. La poignée est faite de bois recouverte de peau animale comme du galuchat et est lacée de soie afin d’améliorer la préhension.

Si jusqu’au XVIe siècle, l’ornementation des sabres est plutôt sobre, privilégiant une lame solide, l’avènement du shogunat Tokugawa et de la période Edo marque un tournant. En effet, afin de contenir les velléités de révolte des Daimyo, les shogun Tokugawa mettent en place un système de résidence alternée forçant les seigneurs à résider la moitié de l’année à Edo, la capitale shogunale. Grâce à ce système, le régime parvient à instaurer une période de paix de près de 250 ans, chose que le Japon n’avait jamais connu jusqu’alors, favorisant le développement d’une société urbaine mercantile. Ainsi, le sabre n’est plus seulement un objet utilitaire mais il devient également un élément de parade, richement décoré, à la monture en fer et en différents alliages cuivreux, incrusté d’or, d’argent, de différents métaux précieux, gravé et ciselé de personnages, d’animaux, de plantes. Les forgerons se mettent même à graver les lames de dragons et de symboles bouddhiques. Les daimyo et les samouraï rivalisent pour se parer d’armes magnifiques mettant en avant leur rang. Le goût des marchands privilégie également des montures très décoratives au détriment de la qualité de la forge de la lame.

D’une arme utilitaire, le sabre est devenu une véritable œuvre d’art très largement collectionnée pour la richesse décorative de sa monture et la qualité de sa lame. L’appréciation d’une lame de sabre peut paraitre abstraite, c’est en effet l’un des exercices les plus difficiles. Les amateurs ont recours à deux approches : une approche analytique – consistant à admirer un ensemble de treize points particuliers permettant de reconnaitre la date, l’école, la province et le forgeron – ou une approche plus contemplative consistant à utiliser les dessins de la trempe comme support de médiation. Afin de protéger la lame et le fourreau des manipulations, la lame est généralement démontée et présentée dans un fourreau en bois. Le fourreau, lui, est présenté avec une lame en bois. C’est ce que l’on appelle une monture en shirasaya. Tout un art, on vous l’a dit !
En savoir plus
- Robert Burawoy, Le sabre d’art japonais, Musée de l’histoire du fer, Nancy: Presses universitaires de Nancy, 1989, 35p.
- Dr Edouard Mène, Les anciennes armes japonaises, Société franco-japonaise de Paris, Angers : A. Burdin et Cie, 35p.
- John M. Yumoto, The samurai sword: a handbook, Tokyo : Charles E. Tuttle company, 1958, 191p.
Image de couverture : Tantô, lame signée Kiyomitsu, fourreau et poignée en bois incrusté de nacre et ivoire, XVIIIe-XIXe siècle, Victoria & Albert Museum. © Victoria and Albert Museum, London.
Merci pour cet article très bien fait. J’ai voulu acquérir un vrai katana ancien « Shinto » mais malheureusement je trouve cela peu certain avec des état du sabre plus ou moins variable et des prix pouvant aller du simple au double. J’ai préféré acheter un sabre neuf, avec des finitions de montage au top. je donne conseil à ce comme moi qui souhaite avec un belle objet pour la décoration ou la coupe. Il y a plusieurs fabriquants en France Murasame, Artkatana, Bushiden. Murasame étant pour moi le plus proche de la réalité avec des montages de pièces japonaise, Ils ont su me faire un sabre à mon image et une qualité de finition égale à un vrai katana.
Pour les intérréssés :
https://www.katanas-murasame.com/page-cbbabaaaa.asp
Merci encore pour le partage de votre article, c’est rare de voir des articles de cette qualités
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Encore une belle découverte de cet art si pointu 😉
Merci ma Camille
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Merci pour cet article très intéressant
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Explications très détaillées et très intéressantes qui devraient passionner les collectionneurs de sabres.
Bravo Camille
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