Quatre artistes environnementaux chinois à suivre

Tokonoma s’associe à STRATA (@strata_art), un média en ligne dédié à l’art environnemental, pour vous présenter une sélection d’artistes pionniers sur lesquels garder un oeil.

«Dans la vieille philosophie chinoise, lier l’intellect de l’humanité à l’environnement a toujours été considéré comme la forme la plus élevée d’humanité. Mais, ironiquement, la Chine moderne est devenue l’un des destructeurs les plus flagrants de la nature »

Ai Weiwei

L’art environnemental en Chine est un phénomène relativement récent. En grande partie, cela est dû à une focalisation absolue du pays sur le rattrapage économique et industriel, où encore aujourd’hui la population vit considérablement en-dessous du niveau de vie de l’Europe ou des Etats-Unis. De plus, une censure oppressive empêche toute sorte de critique, environnementale ou autre, interdisant aux artistes de faire allusion aux conséquences catastrophiques de l‘industrialisation sur l’environnement.

Cependant, le vent tourne. Avec l’omniprésence de plus en plus visible du risque de catastrophe écologique au sein de “l’usine du monde”, illustrée par une pollution atmosphérique extrême dans les villes chinoises, ou les déversements massifs de déchets électriques, il est aujourd’hui impossible pour le gouvernement de continuer à occulter les problèmes. Un nombre croissant d’artistes conscients des enjeux écologiques se servent de leurs talents artistiques pour en faire prendre conscience le public (Wen Fang, Zheng Bo, Liu Jiayu) voire cherchent à avoir un impact direct (Xu Bing). 

Xu Bing

Xu Bing est né en 1955 à Chongqing, en Chine. Suite à son diplôme de master obtenu en 1987 à l’Académie centrale des beaux-arts de Pékin (CAFA), il déménage aux Etats-Unis en 1990 puis retourne en Chine pour devenir vice-président de la CAFA, où il est actuellement professeur et directeur du comité académique.

Xu Bing, Forest project : Taiwan, © Xu Bing

En 2004, le projet Human / Nature le commissionne avec sept autres artistes pour créer des œuvres d’art en lien avec des sites du inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO. Ayant choisi le Kenya, la réponse finale de Xu Bing, Forest Project (2005-en cours) se concentre sur les arbres. C’est parce que, selon lui, «tout ce qui est est lié aux arbres: la politique, l’économie et la vie des gens et des animaux».

Son projet forestier vise à créer un système récursif qui pourrait initier et soutenir des processus de boisement et de reboisement. Pour cela, Xu Bing a visité diverses régions du pays et a organisé des cours sur place avec des enfants locaux lors desquels ils représentent les arbres à leur manière. Ensuite, Xu Bing copie, juxtapose et compile ces dessins sur un rouleau de papier horizontal – une réflexion et une pratique issuent de l’esthétique traditionnelle chinoise du linmo (臨摹), liée à l’amélioration de son propre développement artistique en appréhendant les formes des autres. Enfin, les oeuvres sont placées sur une plateforme en ligne pour la vente aux enchères. Les fonds recueillis ont ensuite été utilisés pour acheter des plantes afin de reboiser ces régions, créant ainsi un système autosuffisant qui transférera les fonds des zones riches vers les zones pauvres pour la plantation d’arbres.

Wen Fang

Maskbook (MASK不可) © Wen Fang

Née en 1976 à Pékin, Wen Fang est diplômée en photographie de l’ENS Louis-Lumière en France. Son projet Maskbook vise à sensibiliser le grand public aux grands enjeux reliant la santé et l’environnement. Créé en collaboration avec l’association Art of Change 21 à l’occasion de la COP21 (Conférence de Paris de 2015 sur les changements climatiques), Maskbook est un projet artistique participatif d’échelle internationale. Sur le site Maskbook.org sont rassemblés pas moins de 2500 portraits masqués de participants venant de plus de 40 pays à travers le monde. Chaque masque est une création personnelle, faite à partir d’objets de récupération ou de manière numérique, et incarne le message de son créateur face à la crise environnementale. L’image potentiellement anxiogène du masque de protection est ainsi renversée pour devenir une expression d’optimisme et d’engagement.

Zheng Bo

Zheng Bo, Weed Party, 2015. Plantes, terre, mirroirs, dimensions variable. © Zheng Bo, courtesy Leo Xu Projects

Né en 1974 à Pékin, Zheng Bo a grandi en Chine et a étudié aux États-Unis. A travers son travail, il explore la relation entre les plantes et l’histoire politique de la Chine moderne. Dans sa série « Weed Party » il met en lumière les mauvaises herbes – plantes sauvages poussant dans des lieux où elles ne sont pas désirées et en concurrence avec les plantes cultivées. Ainsi, « l’Homo Sapiens peut enfin tendre au respect de l’aspect précurseur des mauvaises herbes, qui ont toujours essayé de nous entraîner vers un avenir à la nature ressuscitée. »

Pour un autre projet, à la Villa Vassilieff à Paris en 2016, Zheng Bo revisite les années 1920 lorsque Zhou Enlai, Deng Xiaoping et d’autres étudiants chinois basés en France ont créé le Jeune Parti communiste chinois. À travers des conversations avec des sociologues, des politologues et des botanistes, il pose la question apparemment illogique : « Quels rôles ont joué les plantes dans cet épisode? », amenant ainsi à une compréhension plus historique de l’origine de la crise écologique contemporaine en Chine et au-delà.

Liu Jiayu

Liu Jiayu, Sitting by the Window © Liu Jiayu

Née au Liaoning en Chine en 1990, Liu Jiayu est une artiste basée à Londres et à Pékin, diplômée du Royal College of Art de Londres et qui utilise de nouveaux médias. Travaillant dans le domaine interdisciplinaire de l’art, du design et de la technologie, elle espère sensibiliser le public aux multiples relations entre l’homme et la nature en provoquant une résonance émotionnelle du public avec un minimum d’instructions ou d’explications.

Dans sa pièce Sitting by the window, une simulation du ciel et des nuages ​​correspondant à la vitesse et la direction du vent d’une source de données en temps réel au lac Jinji dans la ville de Suzhou, est affichée sur un écran à l’aide d’une variété de technologies graphiques dynamiques. Le fait de lever les yeux crée une connexion entre le public et l’installation, expérimentant le cycle de vie et le désir de suivre la nature.

La crise environnementale croissante due à l’industrialisation et à l’urbanisation rapides attire l’attention d’une vague d’artistes intergénérationnels qui appellent d’urgence leurs compatriotes à prêter attention à l’environnement qui les entoure. Ce ne sera pas facile mais si l’on suit les mots de Confucius, “L’homme qui déplace une montagne commence par déplacer les petites pierres.”

Merci pour votre attention. Si vous connaissez d’autres artistes environnementaux n’hésitez à nous en parler en commentaire.

En savoir plus :

Suivez @strata_art pour découvrir davantage d’artistes dédiés à l’environnement.

Image de couverture : Zheng Bo, Pteridophilia 2, 2018. Video (4K, color, sound), 20 min © Zheng Bo

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