L’Âge du Fer coréen naît sur une terre de légendes ayant connu deux royaumes mythiques ennemis : Gojoseon (2333 – 108 avant notre ère) et Jin (800 – 108 avant notre ère). Ces deux royaumes correspondaient en superficie à l’actuelle Corée ainsi qu’à une partie de la Chine et de la Mongolie. De multiples interactions entre la Chine protohistorique et la Corée au cours des IIe – Ier siècles avant notre ère ont conduit à de nombreux conflits contre la Chine durant lesquelles les premiers objets en fonte firent leurs apparitions aux côtés de ceux en bronze. Nous sommes à l’aube d’une nouvelle ère : celle du fer !
Le fer venu des mers
La culture du fer n’est pas apparue du jour au lendemain, mais a été importée au cours des conflits entre la Chine et la Corée durant les deux premiers siècles avant notre ère. Le plus intéressant est que les chercheurs rapprochent les dagues fines produites durant cette période nommée âge du fer ancien, à celles produites en bronze durant l’âge du bronze (Xème – IIIème siècle avant notre ère), bien que l’alliage utilisé et la provenance soient totalement différents. En effet, la majorité des objets retrouvés dans le nord-ouest de la Corée, dans le mythique royaume de Gojoseon, sont en fonte et proviennent de Chine. Ces objets ont tous été retrouvés dans des sépultures coréennes dans le bassin du Yôngsan, accompagnés de nombreux miroirs, dagues à vocation guerrières et de céramiques typiques de l’âge du bronze coréen. Les objets en fer restent toujours absents !

Les tous premiers objets en fer ont été retrouvés dans les zones côtières du Chôlla Sud. Ces derniers, retrouvés dans des amas coquilliers antérieurs au Ier siècle avant notre ère, attestent de la présence d’objets en fer liés à la chasse et à la pêche : hameçons et pointes de flèches. Le fer est venu des mers ! Il est arrivé du continent par les voies maritimes et s’est ensuite diffusé dans les terres via les cours d’eaux, c’est du moins ce que semblent attester les fouilles archéologiques faites sur les sites de Sinch’ang-ni à Kwangju et de Tae’gok-ni à Sûngju dans le Chôlla Sud, et sur le site de Sejôn-ni à Namvvôn dans le Chôlla Nord. Cette thèse est soutenue par Laurence Denès ainsi que par de nombreux chercheurs coréens, tel Chi Kon-Gil et chinois, tel Zhao Bing. Il n’est cependant pas à exclure la présence d’une voie terrestre ; par exemple, dans la région du fleuve Taedong, des haches et des burins en fer forgé attestent d’une culture agricole importante, montrant ainsi la diversité des domaines employant des outils en fer. Pourtant les objets de bronze sont encore largement répandus et le restent jusqu’au premier siècle avant notre ère. Selon certains chercheurs cela pourrait être dû à la maîtrise de la métallurgie du fer qui n’était pas encore optimale avant cette période.

Implantation progressive de la culture du fer
Le début de l’expansion du fer au Ier siècle de notre ère commence dans le royaume de Jin, au sud de la péninsule. Avec la popularisation du fer s’entame par la même occasion le Second Âge du Fer, plus communément baptisé « période protohistorique » (0 – 500 de notre ère). Et bien que la majorité des objets soient en fer, ils ont été très mal conservés à cause de l’humidité ambiante et de la rouille, au point que peu de témoignages matériels de cette période existent. On peut également observer, retrouvés dans des amas coquilliers comme à Kun’gok-ni dans le district de Haenam, sur la côte sud, de nombreux objets en os, tel des pointes de flèches et des parures, attestant de l’emploi d’autres matériaux que le fer au quotidien. Les os servaient également à créer des aiguilles ou des poinçons. Ils devaient avoir une certaine importance symbolique car certains ont été retrouvés en contexte funéraire, accompagnant les morts dans l’au-delà.

L’avènement du fer est une véritable révolution dans l’histoire de la Corée. Avec ce nouveau métal, tout une transformation socio-économique se met peu à peu en place. L’agriculture, notamment la riziculture, se développe grandement, ce qui permet un accroissement de la population, mais aussi des échanges. L’âge du fer voit également l’apparition de nouveaux motifs sur les poteries, généralement en terre cuite ou en grès. Ces dernières ont un décor imprimé à l’aide d’un battoir qui est frappé contre la surface encore molle de la poterie. Ces céramiques « à décor au battoir » côtoient un temps celles de la civilisation Mumun (-3000 / -300), qui étaient les plus répandues, avant de totalement les remplacer un siècle plus tard. Les habitations changent progressivement de forme pour devenir plus grandes, semi-excavées et rectangulaires. Enfin, sur le plan funéraire, les dolmens disparaissent peu à peu au profit d’inhumations en fosse, dans des cercueils en bois pour les adultes et des jarres pour les enfants.
Cette photographie du National Museum of Korea d’une céramique (H. 34,7 cm, d. 21 cm), numéro 신수 2898, découverte à Gyeonggi-do est ouverte au système public coréen type 0. L’oeuvre peut être téléchargée depuis le site du National Museum of Korea. Vase de type Kangmok Toldaemun, à bande appliquée sur le rebord avec motif pressé, et à base plate. H. env. 37 cm. Période de la céramique Mumun ancien (1500 -850 AEC), Musée national de Corée. Source : Wikimedia Commons, photo de Prof. Gary Lee Todd.
L’évolution de la métallurgie a permis un nouvel essor de la péninsule. Le fer qui s’est répandu de la mer vers les terres a permis aux peuples de se renforcer, d’innover sur le plan de l’agriculture, de la chasse, de la pêche et de la poterie, et de se sédentariser au point que de nouveaux royaumes, ceux de Silla, Paekche et Goguryô ont pu voir le jour. Ils se sont forgés dans le fer !
En savoir plus
- Laurence Denès, « Le battage dans la fabrication des céramiques coréennes à l’Âge du Fer », Techniques & Culture [En ligne], 42 | 2004, mis en ligne le 06 novembre 2007, consulté le 19 mars 2020.
- Laurence Denès, L’Âge du Fer dans le sud-ouest de la péninsule coréenne d’après les données archéologiques. In : Arts asiatiques, tome 55, 2000, pp. 120-136.
- Laurence Denès, Les sépultures en grandes jarres du bassin du Yŏngsan-gang. In: Arts asiatiques, tome 50, 1995, pp. 85-93.
- Madeleine Paul-David, Arnauld Le Brusq, Laurence Denès, Corée – Arts. In : Encyclopédia Universalis [en ligne], consulté le 20 mars 2020.
Image à la une
Cette photographie du National Museum of Korea d’une épée en fer (L. 41,9 cm, l. 6,4 cm, é. 2 cm), numéro 신수 21626, découverte à Gyeonggi-do-Gapyeong-gun est ouverte au système public coréen type 0. L’oeuvre peut être téléchargée depuis le site du National Museum of Korea.
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