Restons au Pays du Soleil Levant, mais remontons un peu le fil de l’histoire… Nous vous proposons de découvrir le texte narratif le plus ancien du Japon ! Le Taketori Monogatari retrace l’histoire d’une mystérieuse beauté.
Le Taketori Monogatari ouvre son récit sur la vie d’un couple vieillissant, désirant plus que tout avoir un enfant. L’homme se rend un jour dans la forêt pour couper du bambou et se retrouve face à un bambou dont le pied brille comme de l’or. Lorsqu’il le fend, une découvre (ô merveille ! ) une petite fille aussi grande qu’un pouce. Le couple décide de l’élever et l’appelle Kaguya-Hime, qui devient en peu de temps une magnifique jeune femme, dont la beauté ne peut être d’origine terrestre.

Après avoir repoussé les avances de tous ses prétendants (et de l’empereur lui-même), elle désespère de ne pas pouvoir retourner d’où elle vient : la Capitale de la Lune. Le conte s’achève sur le retour de la princesse vers l’astre nocturne et le suicide de l’empereur, pour qui la vie est devenue insupportable sans la personne qu’il chérissait le plus.
Si le Taketori Monogatari, ou Kaguya-hime Monogatari, a été fixé par l’encre calligraphiée, l’histoire d’un coupeur de bambou et d’une beauté céleste et mystérieuse était déjà relatée dans le Man’yōshū (le plus ancien recueil de waka, daté d’environ 760). Au Xe siècle, durant l’époque Heian (793-1185), l’histoire se fixe définitivement sous le pinceau de Ki no Tsurayuki (environ 872 – 945).

Aristocrate, homme de lettres, Ki no Tsurayuki a été un littéraire prolifique. Non seulement l’empereur Daigo (règne : 897-930) lui commande de compiler la première anthologie impériale en 905, le Kokin wakashū, mais ces poèmes constituent près d’un dixième des 1 111 waka qui le constituent ! C’est également à lui que l’empereur confie la rédaction de la préface… Un véritable manifeste du waka (poésie écrite en kana, composé de 31 syllabes), qui servira de référence pour les siècles à venir.
Sa plus grande œuvre aura été le Journal de Tosa, écrit en prose en 955. Il s’agit de la première forme de journal intime (nikki) rédigé en kana. Ce format se développe ensuite à la Cour pour atteindre son apogée avec le mythique Genji Monogatari, écrit entre 1005 et 1011 par Murazaki Shikibu (978-1014).
La princesse Kaguya a inspiré les artistes à travers les siècles et continue de passionner les créateurs contemporains. L’art actuel japonais puise largement dans le répertoire traditionnel pour proposer des réinterprétations nouvelles. La princesse de la lune est ainsi la figure principale du long métrage métrage Le Conte de la princesse Kaguya du studio d’animation Ghibli, réalisé par Isao Takahata en 2013. Takahata revisite un conte ancestral un utilisant une animation graphique proche de l’estampe traditionnelle japonaise : une grande épure des compositions, des couleurs franches, un cerne noir pour modeler les figures… Tout rappelle la gravure sur bois qui a fait le rayonnement de l’époque d’Edo (1600-1868). Ce film d’animation offre pourtant une vision toute contemporaine de la liberté, de l’importance de poursuivre ce que l’on souhaite malgré la société et ses carcans. Un véritable hymne à la femme et aux rêves !

Mais les clins d’œil à ce personnage sont légion au Japon : toujours dans la Pop-Culture, le Pokemon Tekkakuya y fait largement référence. Dans un domaine plus sérieux, l’Agence d’exploration aérospatiale japonaise a renommé la mission lunaire SELENE en KAGUYA. Le Taketori Monogatari est donc l’exemple même de la dualité culturelle japonaise : une tradition ancestrale ancrée et réadaptée au monde contemporain !
Pour en savoir plus :
Vous pouvez consulter une suite de trois rouleaux illustrés de ce récit conservée à la Bibliothèque nationale de la Diète (Tokyo). Ces œuvres ont été réalisées au XVIIe siècle et ont été entièrement numérisées par la bibliothèque. Pour les plus courageux d’entre vous, sortez vos dictionnaires bilingues et c’est parti pour une traduction !
Pour un avant goût du féérique Conte de la Princesse Kaguya d’Isao Takahata, c’est par ici !
Vous pouvez également (re)lire nos articles de la série Les Grandes périodes japonaises.
Image de couverture : Taketori Monogatari, scène du Départ vers la lune, emaki, encre et couleurs sur papier, vers 1600-1700, Bibliothèque nationale de la Diète, Tokyo. Domaine public.
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