Du 13 mars au 10 juin 2019, le musée Guimet vous emmène sur les routes commerciales Chine-Europe, aux derniers étages du musée — ça fait moins loin ! A travers l’exposition « Un firmament de porcelaines, de la Chine à l’Europe », ce sont des exemples chinois de porcelaines à décor de bleu de cobalt sous couverte (qinghua 青花) parmi les premiers échanges qui sont mis en exergue, notamment par une reconstitution 3D du plafond d’un palais portugais, mais aussi des productions iraniennes et européennes, copiant les porcelaines chinoises, qui sont présentées.
Premiers échanges : les ambassades

Il existe déjà, depuis la dynastie des Tang (618-907), des routes commerciales entre la Chine et l’Asie du Sud-Est ainsi que le monde islamique. C’est alors par l’intermédiaire du Proche-Orient que les porcelaines chinoises atteignent l’Europe avant la fin du XVe siècle, principalement en tant que cadeaux d’ambassades. En est pour exemple une aiguière à décor de pivoines, offerte à l’ambassadeur du roi Henri II (r. 1547-1559) par Soliman le Magnifique (r. 1520-1566) à Constantinople.

Avec le passage du Cap de bonne espérance (à la pointe Sud du continent Africain) en 1488, le Portugal ouvre la voie vers l’Asie, s’implantant progressivement le long des routes maritimes, jusqu’en Inde en 1498, puis à Macao en 1557. Ainsi, les porcelaines chinoises trouvent une voie directe jusqu’en Europe. Par la suite, les européens commandent des pièces aux formes et aux décors en accord avec leurs usages, notamment avec des armoiries ou inscriptions.
Le Portugal, un exemple plafonné !

Les échanges importants avec le royaume du Portugal, vaste empire commercial qui voit son apogée au cours du XVIe siècle, sont parfaitement illustrés par le plafond du « salon des porcelaines » de l’actuelle ambassade de France à Lisbonne — ancienne demeure du roi Manuel 1er (r. 1495-1521), puis de la famille des Lancastre qui ont fait réaliser ce plafond en 1680. Ce ne sont pas moins de 270 porcelaines — sélectionnées parmi la vaisselle du palais —, datées de la période Ming au début des Qing, qui sont encastrées dans une boiserie dorée, rehaussant la polychromie bleue et blanche des plats.

Habituellement fermé au public, en raison de son statut d’ambassade, la société Aristeas en propose une reconstitution 3D grandeur nature du plafond, dans laquelle nous pouvons nous immerger entièrement. Dans la même salle on peut observer de près des pièces retrouvées dans des épaves, similaires à celles accrochées dans le « salon des porcelaines », nous donnant un aperçu des céramiques circulant alors par les routes maritimes.
Appropriations d’une nouvelle esthétique

Alors que les porcelaines rencontrent un grand succès en Europe, le déclin de la production d’exportation et son arrêt en 1647, dû aux troubles politiques en Chine, poussent les européens à se tourner vers les marchés iraniens et japonais qui copient et imitent les porcelaines chinoises, visant à atteindre sa perfection.

Toutefois on cherche également en Europe à maîtriser la « pâte de porcelaine ». Des faïences de Nevers et de Lisbonne ponctuent le parcours dans la première salle. Cette production de faïence à décor de bleu de cobalt vise à reproduire les finitions de la porcelaine de bleu et blanc, tout en développant une esthétique qui lui soit propre. Qu’il s’agisse des faïences portugaises ou françaises, les exemples montrés à côté de porcelaines chinoises permettent d’observer la différence des formes, des motifs, mais surtout du rendu de l’engobe couvrant la faïence, plus « grisâtre » que la porcelaine, et de l’intensité variable du bleu de cobalt.
Bien que le Portugal s’impose en tant qu’empire commercial de la fin du XVe siècle au XVIe siècle, son déclin est marqué notamment par la fermeture du port de Lisbonne en 1584 par Philippe II (r. 1555-1598), roi d’Espagne, les routes commerciales se déplacent alors en faveur de l’Europe du Nord. Et si vous souhaitez vous lancer sur les mêmes routes, l’exposition continuera la sienne en Chine, à Shanghai, puis à Shenyang !
Pour en savoir plus :
- Un firmament de porcelaines, de la Chine à l’Europe [Exposition. Paris, Musée national des arts asiatiques – Guimet. 13 mars – 10 juin 2019], Paris, RMN, 2019.
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Crick, M. (dir.), Le bleu des mers. Dialogues entre la Chine, la Perse et l’Europe, [Exposition. Genève, Fondation Baur, musée des arts d’Extrême-Orient. 23 novembre 2017-25 février 2018], Genève, 5 Continents Editions, Fondation Baur, 2017.
- Lion-Goldschmidt, D., « Les porcelaines chinoises du palais de Santos », in Arts asiatiques, tome 39, 1984, pp. 5 – 72.
Image de couverture :
- Bouteille à décor d’inspiration chinoise, Lisbonne, vers 1600-1625, faïence, décor bleu de cobalt, Lisbonne, collection M.P.
Photographies : Camille Bertrand
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