Branly et la beauté bouleversante du bambou

Avec « Fendre l’air » jusqu’au 7 avril 2019, le musée du Quai Branly nous invite à explorer les différentes formes que les artisans et les artistes japonais ont su donner au bambou au fil des siècles. Une exposition poétique, et inédite en France, dans laquelle Tokonoma vous propose une petite immersion…

 

De l’usage du bambou

Quand on pense au bambou, on pense aux paysages d’Extrême-Orient avec leurs hautes et denses bambouseraies… On trouve – et on retrouve – ce matériau partout, que ce soit dans la nourriture, les instruments, les armes, les récipients et bien plus encore ! Le bambou est en effet très apprécié pour sa flexibilité, sa droiture – qualités que l’on compare d’ailleurs souvent aux vertus du lettré – et son imputrescibilité.  Au Japon, on l’utilise notamment pour la réalisation de vanneries – ça tombe bien, c’est le thème de l’exposition ! – dont la préparation est longue, complexe et fastidieuse.

Et devinez dans quel endroit privilégié on rencontre de la vannerie de bambou ? Dans le… tokonoma, la pièce centrale de la cérémonie du thé sencha au Japon ! On aime y placer une peinture ou des arrangements floraux dans des paniers de bambou, selon l’art de l’ikebana, afin de les contempler durant le déroulement de la cérémonie.

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Reconstitution d’une pièce pour la cérémonie du thé avec son tokonoma

Un art discret…

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Anonyme, Hanakago Karamono-utsushi (Vannerie pour l’ikebana de style chinois), région indéterminée, période Meiji-Edo, XIXe s., bambou, rotin et laque, MQB-Jacques Chirac

Ces vanneries ont connu des formes diverses et variées. Entre le XVIIIème et la fin du XIXème siècle, elles prennent pour modèle des vases en porcelaine ou en bronze chinois. Ce n’est qu’à partir de l’ère Meiji (1868-1912) que les maîtres du bambou s’émancipent de ce modèle et font naître des créations toujours plus novatrices qu’une clientèle aisée s’arrache ! A cette époque, on voit ainsi apparaître de grandes lignées familiales dans la région d’Osaka. Celle des Tanabe en est l’une des plus connues. Fondée par Tanabe Chikuunsai I (1877-1937), elle est aujourd’hui représentée par Tanabe Chikuunsai IV (né en 1973) qui s’emploie lui aussi à enseigner son art à ses enfants et d’autres disciples. Cependant, malgré les quelques grandes expositions internationales auxquelles il participa, l’art du bambou reste assez méconnu de l’Occident et n’est alors collectionné que par des riches aristocrates japonais.

 

 

… en quête de gloire internationale !

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Vannerie de Hakayama Shōkosai I et dessin de l’œuvre par Wilhelm Weimar, Museum für Kunst und Gewerbe, Hambourg

Mais un événement vient renverser la situation : la Seconde Guerre mondiale (1939-1945). Les anciens riches clients japonais n’ont alors plus les moyens de s’offrir ces paniers, qui s’avèrent par ailleurs très coûteux à produire… Vers qui se tourner pour que cet art ne disparaisse ? Les Etats-Unis pardi ! Dans les années 1960-1970, quelques marchands et collectionneurs, aux goûts précurseurs, comme Lloyd Cotsen (1929-2017), s’intéressent à cet art et en acquièrent plusieurs pièces. Cela explique pourquoi les Etats-Unis ont aujourd’hui encore une collection bien plus riche dans ce domaine que celles des musées européens, exception faite de celui de Hambourg, le Museum für Kunst und Gewerbe.

 

 

Et aujourd’hui ?

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Nagakura Ken’ichi, Hito (Femmes), Shizuoka, période Heisei, 2016, bambou madake, rotin, argile et jus de kaki vert, Collection privée

Depuis plusieurs années, la reconnaissance envers cet art et ces artisans n’a cessé de croître, bien qu’encore discrète en Europe par rapport aux autres arts japonais. Certains artistes ont d’ailleurs même reçu le prestigieux titre de Trésor National Vivant ! Le bambou aussi se transforme et devient un véritable art sculptural, perdant sa fonctionnalité traditionnelle de contenant. Des pièces nébuleuses de Morigami Jin (né en 1955) aux mélanges audacieux et éclectiques – de bambou, de bois flotté, d’argile, de poudre de pierre à polir et de jus de kaki – de Nagakura Ken’ichi (1952-2018), le bambou est aujourd’hui un moyen d’expression artistique à part entière !

 

 

De la vannerie à la sculpture, les artisans et artistes japonais ont su, et savent toujours, donner des formes diverses et variées à un matériau endémique au Japon. Si vous avez été vous aussi envoûtés par cette beauté bambousesque, n’hésitez pas à aller jeter un œil aux collections de la Galerie Mingei qui s’en est fait une spécialité…

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Tanabe Chikuunsai IV, Funagata Hanakago « Amatsukaze » (Vannerie pour l’ikebana en forme de bateau, nommée « Vent dans le ciel »), Sakai, période Heisei, daté de 2014, bambou madake, susudake, rotin et laque, Collection NAEJ

Exposition « Fendre l’air : Art du bambou au Japon », du 27 novembre 2018 au 7 avril 2019, Musée du Quai Branly, Paris

En savoir plus :

Pour plus d’informations sur l’exposition, voir le site du musée du Quai Branly.

Pour continuer vos explorations dans le monde fabuleux du bambou, voir l’exposition « The Beauty of Japanese Bamboo Art » de la Galerie Mingei, jusqu’au 13 avril 2019, dont le catalogue est disponible en ligne !

 

Image de couverture : Morigami Jin, Musō (Rien n’est comparable), Beppu, région de Kyushu (préfecture d’Oita), période Heisei, 2014, bambou madake, rotin et laque, Collection Alain de Maubuson (détail)

Crédits photographiques : Hélène Trébuchet

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