Au commencement il y avait le Classique des Odes

Inaugurons cette nouvelle série littérature avec le Classique des Vers, le Livre des Odes, ou encore en chinois le Shijing 诗经. Cette semaine, Tokonoma vous plonge dans les origines de la littérature chinoise au travers d’une anthologie poétique fondatrice.

 

Un des six jing 经

Le Classique des Vers est un des six classiques canoniques de la période des Zhou, caractéristique de la culture chinoise antique confucéenne. Il est accompagné du Classique des documents, du Classique des Mutations, du Classique de la Musique (malheureusement disparu aujourd’hui), des Annales des Printemps et Automnes et du Classique des Rites. Il est considéré comme un jing qui signifie au premier degré « constant », un terme qui servit ensuite à désigner un texte canonique. En effet, ce qui est constant tend à devenir classique… C’est un classique dont la compilation serait traditionnellement attribuée à Confucius (551-479 av. J.-C.) en personne,  mais l’on a connaissance d’auteurs antérieurs citant déjà cette anthologie. Et puisqu’il s’agit d’un classique, il était donc au programme des fameux concours mandarinaux ! Ce qu’il faut comprendre, c’est que des générations de prétendants aux concours l’ont appris par cœur, et ce jusqu’au XXe siècle !

 

Le contenu

Ce classique comprend 305 poèmes provenant de la région de la Plaine Centrale, répartis dans quatre sections. La première (poèmes 1 à 160) rassemble des chants populaires. Les deuxième (poèmes 161 à 234) et troisième parties (poèmes 235 à 265) rassemblent des chants que l’on pense avoir été utilisés lors de fêtes données chez les seigneurs, mais la séparation des deux parties reste en partie inexpliquée. La dernière partie (poèmes 266 à 305) rassemble des hymnes utilisés au cours des rites du culte aux ancêtres.

Les chants illustrent une vie paysanne joyeuse, les thématiques sont diverses, on y parle d’amour, de nature, de la succession des mois et des saisons. D’autres chants illustrent les aventures de héros, de divinités et de rois fondateurs. Mais ces chants et poèmes évoquent surtout les vertus morales des rites. Et rien de mieux qu’un exemple pour vous l’expliquer !

« Nous apportons nos offrandes,
Nos bœufs et nos moutons,
Nous les offrons à la droite du Ciel.

Nos rites suivent les modèles fixés par le roi Wen,
Que les jours soient paisibles dans toutes les directions.
Pour le roi Wen, qui apporte la prospérité,
A sa droite, nous déposons de la nourriture.

Nous, de jour et de nuit,
Craignons la majesté du Ciel
Pour qu’en tout temps il nous protège. »
(Poème 272)

 

Une œuvre qui régule les mœurs

« Le Maître dit : Un homme s’éveille à la lecture des Odes, s’affirme par la pratique du rituel, et s’accomplit dans l’harmonie de la musique. » Entretiens de Confucius (VIII, 8).

Alors si Confucius le dit… La poésie lyrique, tout comme la musique à laquelle elle est associée, est au cœur de la pensée confucéenne. Selon Confucius, elle fait partie intégrante du processus du rituel aux ancêtres et au Ciel. Le chant et la musique ordonnent le chaos, ils donnent un caractère moral et rituel aux choses. Ce sont des éléments civilisateurs. Le chant dédié au rituel est une idée que l’on peut généraliser à la Chine antique. On trouve effectivement d’autres recueils de chants rituels comme le Recueil des Chants du royaume de Chu, une région de la Chine ayant eu des coutumes religieuses plutôt chamanistes.

De nombreux objets illustrent cette ambiance ritualiste des siècles qui précèdent notre

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Bouteille Hu, Ve siècle av. J..-C., bronze incrusté de cuivre, Paris, Musée Cernuschi (CC BY-SA 4.0)

ère. En témoigne ce vase Hu en bronze incrusté du Ve siècle av. J.-C. A l’occasion d’une visite au Musée Cernuschi, approchez-vous de lui et observez son décor foisonnant. Vous pourrez discerner au côté de scènes de chasse des scènes de rituels, avec présentation de mets dans des vases en bronzes. En parallèle des personnages sonnent des carillons. Toute cette société décrite sur la panse semble régie par la musique et le chant. Il est possible que les chasses l’aient été également.

 

Malgré l’autodafé de l’empereur Qin Shihuang, le Livre des Odes est reconstitué sous le règne des Han. Il devient immortel grâce à son élévation au rang de classique. Au cours du IIe millénaire, sa portée civilisationnelle pousse les empereurs d’origine étrangère à lui rendre hommage afin de s’inscrire dans cette tradition des vertus antiques.

 

Pour aller plus loin :

Vous pourrez trouver une traduction intégrale des 305 poèmes, par Séraphin Couvreur, ici  (PDF, Word, RTF).

Procurez-vous l’Anthologie de la littérature chinoise classique, accompagnée de son Histoire de la littérature chinoise, de Jacques Pimpaneau pour plus d’explications

Pour en savoir plus sur cette ambiance ritualiste de l’antiquité chinoise, référez-vous à l’Histoire de la pensée chinoise de Anne Cheng.

 

Image de couverture : Qianlong (calligraphe), édition illustrée du Livre des Odes, XVIIIe siècle, feuille d’album, encre, 43×43 cm, Taipei, National palace Museum (Domaine public)

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