Jusqu’au 10 mars prochain se tient au musée de Shanghai une exposition exceptionnelle consacrée à l’un des peintres les plus importants de la tradition picturale chinoise : Dong Qichang (1555-1636). Tokonoma vous explique pourquoi Dong Qichang est, avec Zhao Mengfu, considéré comme l’un des « deux grands maîtres lettrés de l’histoire de la peinture [chinoise] ».

Dong Qichang théoricien
Originaire de Shanghai, né dans une famille modeste, Dong Qichang est considéré comme un maître de la dynastie Ming (1368-1644). Brillant lettré-fonctionnaire, il atteint le rang le plus élevé à l’âge de 35 ans. Il est surtout célèbre pour sa théorie sur la peinture, qui a influencé toute la pratique picturale après lui pendant près de trois siècles. Dans ses écrits, il avance la théorie d’une division de la peinture chinoise entre une école du Nord, au style plutôt strict et confucéen, et une école du Sud, au style plus personnel, rêveur et pétri de taoïsme. Toutefois, ces notions de nord et de sud ne décrivent pas les directions cardinales mais sont tirées de la pensée du bouddhisme chan. Dong Qichang fait ainsi un parallèle entre l’école du Sud qui insiste sur une vision intuitive et immédiate de la vérité et le bouddhisme chan « du sud » notamment réputé pour accéder de façon plus rapide et soudaine à l’Eveil.
Dans cette nouvelle classification de la peinture, Dong Qichang fait la promotion de l’école du Sud. Il est en effet partisan d’une peinture centrée sur la personnalité du peintre lettré et guidée par ses émotions. Sa théorie replace ainsi l’individu au cœur de l’œuvre et de la pratique picturale.
Dong Qichang peintre
Si comme ses contemporains Dong Qichang se forme en copiant les maîtres des dynasties précédentes, il souhaite cependant y ajouter sa manière toute personnelle et instaurer un véritable dialogue avec l’œuvre copiée. Dans sa pratique, il cherche à dépasser la simple copie des maîtres anciens et à élever la beauté du travail de l’encre et du pinceau dans un nouveau dynamisme visuel, insufflant un sens de vie nouveau.
Cette « grande synthèse » qu’il espère réaliser marque un tournant dans l’histoire de la peinture chinoise. Il est un artiste de référence pour ses successeurs, tels le groupe dit des quatre Wang, qui reprennent son goût pour la copie des maître anciens. Il a également une influence importante sur les maîtres dits individualistes ou excentriques comme Shitao ou Bada Shanren qui considèrent eux aussi la peinture comme une expression personnelle et subjective.

Dong Qichang collectionneur
Si Dong Qichang connaît aussi bien l’histoire de la peinture chinoise, c’est parce qu’il est amateur et collectionneur. À partir de 1590, il débute une collection d’œuvres des plus grands peintres qui l’ont précédé. Il devient au même moment précepteur de l’héritier au trône et s’installe à Pékin. Grâce au travail de recherche du musée de Shanghai, une partie de sa collection est présentée au sein de l’exposition.
Parmi cette dernière, retenons deux œuvres de Zhao Ji, nom personnel de l’empereur Song Huizong dont nous vous avons parlé précédemment, prêts exceptionnels du Metropolitan Museum of Art et du musée de la Cité Interdite, ainsi qu’un imposant rouleau vertical par Wang Meng, l’un des quatre maîtres Yuan. On constate que Dong Qichang possède des œuvres d’une grande qualité réalisées par les maîtres des dynasties précédentes et qui l’ont certainement inspiré à élaborer sa propre manière.
Outre la peinture, Dong Qichang est également un fin connaisseur de calligraphie et possède plusieurs œuvres de grands maîtres tel un rouleau horizontal de Wang Xizhi.
Dong Qichang calligraphe
Amateur de calligraphie, Dong Qichang est lui-même le chef de file des calligraphes de la fin de l’époque Ming. Tout comme en peinture, Dong Qichang s’inspire des grands calligraphes reconnus pour mieux s’en affranchir. Ses calligraphies cherchent à saisir l’esprit du poème plutôt qu’à parfaitement exécuter un style précis. Son style personnel est marqué par des lignes fluides et une alternance entre un pinceau sec ou plus chargé en encre. L’œuvre ci-dessous illustre parfaitement le style caractéristique de Dong Qichang.

Lettré fonctionnaire de haut rang, peintre et calligraphe émérite, Dong Qichang a surtout marqué l’histoire de la peinture par sa célèbre théorie de l’école du Nord et de l’école du Sud. Son héritage immense a pétri des générations entières pendant près de trois cents ans. Il faut attendre la fin du XXe siècle avant que sa pensée ne soit remise en question et les incohérences de son raisonnement pointées par les chercheurs. Le musée de Shanghai rend ainsi hommage à l’un de ses plus célèbres habitants par une exposition d’une grande qualité et la présence d’œuvres exceptionnelles.
En savoir plus
Retrouvez toutes les informations concernant l’exposition sur le site du musée de Shanghai.
Pour avoir plus d’informations sur l’oeuvre de Dong Qichang, vous pouvez vous référer au site de l’exposition consacrée à Dong Qichang il y a quelques années par le Musée National du Palais de Taipei.
Image de couverture : Dong Qichang, Pics denses et montagnes vigoureuses, rouleau horizontal, encre et couleurs sur papier, musée provincial du Liaoning, crédits : Camille Despré.
Un commentaire Ajouter un commentaire