Guo Pei : haute couture made in China

On connaît peu de couturiers chinois, mais le nom de Guo Pei est la référence en la matière. Cela ne vous dit peut-être rien mais vous connaissez vraisemblablement quelques unes de ses créations, notamment la robe portée par Rihanna au Gala du Metropolitan Museum de 2015, qui a permis de faire connaître Guo Pei au public. Elle a nécessité environ 30 mois, soit plus de 50 000 heures de travail, pour un résultat final pesant 25 kilos. Et oui, comme ailleurs, la haute couture chinoise est synonyme de luxe et démesure !

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Guo Pei, collection Légende du Dragon. Source : site internet de la marque (http://www.guo-pei.fr/story-of-dragon)

« Guo Pei », c’est-à-dire ?

Guo Pei naît en 1967, au début de la Révolution Culturelle (1966-1976). La mode est alors interdite, sa fantaisie et sa coquetterie jugées indésirables. Elle coud certes, mais simplement le nécessaire tandis que sa grand-mère lui narre le faste des broderies du palais impérial sous la dynastie Qing (1644-1912). C’est fait, Guo Pei est piquée de mode.

Elle lance sa marque « Rose studio » en 1997, c’est l’une des premières entreprises de design de mode en Chine. Son succès ne cesse de croître ; elle habille dès lors aussi bien les politiques que les stars, et réalise également des habits de cérémonie pour les Jeux Olympiques de Beijing en 2008.

La Chine est encore peu reconnue dans le domaine de la mode. La faute à de nombreux préjugés, la mode chinoise étant associée à la « fast fashion » et à des produits de mauvaise qualité. Guo Pei ne se considère toutefois pas comme une représentante de la haute couture chinoise — elle est chinoise et fait ce qu’elle aime, tout simplement. Depuis quelques années, elle est tout de même un emblème de ce « luxe » chinois, tant en Chine qu’à l’international. Elle est en effet l’une des très rares créatrices de mode contemporaines dont le travail a été présenté au Metropolitan Museum de New York lors de l’exposition « China : Through the Looking Glass » en 2015. Elle fait aussi partie des couturiers membres invités de la Chambre Syndicale de la Haute Couture et est la deuxième créatrice chinoise à recevoir cet honneur. En résulte l’installation d’un atelier à Paris, complétant celui de Beijing. Guo Pei a ainsi également le privilège d’une exposition de 30 de ses robes au Musée des Arts Décoratifs en 2015. Avec un tel pedigree, il n’est que trop tentant d’en faire le porte-étendard de la haute couture chinoise !

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Guo Pei au Musée des Arts Décoratifs. Photo : Julia Piatti.

Entre passé et présent, Orient et Occident

Les robes imaginées par Guo Pei sont d’une préciosité extrême, semblables à des bijoux. Pour les réaliser, elle emploie des matériaux et teintures naturels, parmi lesquels la soie de Chine et le bambou de Huangsan (province du Anhui, Chine). Pour travailler le bambou, c’est au savoir-faire des artisans locaux qu’elle fait appel — on le retrouve notamment dans sa collection Elysium (Printemps-Eté 2018). La créatrice s’applique à faire renaître et perpétuer un savoir-faire ancestral, des techniques de broderie et de teinture employées depuis des siècles au fil des différentes dynasties. Guo Pei est ce que l’on pourrait nommer une ambassadrice moderne de son héritage culturel.

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Robe élue « meilleur costume national » à l’élection de Miss Univers 2012. Guo Pei, collection 1002 nuits. Source : site internet de la marque (http://www.guo-pei.fr/1002-nights)

Son travail est plein d’originalité, mais Guo Pei reste en filiation avec son pays et son histoire, par ses procédés et  ses matériaux. Elle mêle de nombreuses influences, et n’est pas hermétique aux apports de l’Occident. On trouve aussi dans ses inspirations un côté surréaliste, et des volumes sobres dans leur géométrie donnant un tout très moderne. Elle parvient à combiner un artisanat traditionnel de très haut vol avec l’abondance et l’audace que réclame le XXIème siècle. Guo Pei crée non seulement de la mode mais de l’art, intemporel. De ses propres mots, son travail se rapproche de celui d’un peintre dans son processus créatif ; elle compare les coups de pinceau à l’art de broder et savoir situer chaque détail sur un vêtement. Sa démarche en est effectivement proche ; lorsque l’on voit ses créations, quelque chose nous touche, nous éblouit, nous fait le même effet que se retrouver face à une peinture de maître.

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Guo Pei, collection 1002 nuits. Source : site internet de la marque (http://www.guo-pei.fr/1002-nights)

Les mannequins défilant dans ces tenues narrant chacune une histoire nous font ainsi l’impression d’entités célestes, parées de ce que l’on trouve de plus précieux et raffiné. Leur démarche lente, à l’image du processus de création, les projette hors de ce monde et les place dans cette sphère intime et magique que Guo Pei nous invite à contempler. On dit que le diable se cache dans les détails, mais ici, c’est tout l’inverse. Le niveau de perfection du travail des artisans donne lieu à des créations si précises qu’elles en paraissent irréelles tant chaque geste est exact, chaque fil, perle se trouve à l’endroit même où est sa place. Ainsi la tradition artistique chinoise se perpétue avec toujours autant d’exigence, et bien que tout semble aller trop vite aujourd’hui, Guo Pei prend le temps nécessaire à chaque chose, et nous livre à chaque collection une idée de la perfection.

Pour aller plus loin :

Le site de la maison

• Exposition « Guo Pei : Couture Beyond » jusqu’au 20 janvier 2019 à la Vancouver Art Gallery ; catalogue Guo Pei : Couture Beyond, par Paula Wallace

Yellow is Forbidden, documentaire de Pietra Brettkelly

Défilé « La Légende du Dragon », Beijing, 2012

Entre France et Chine, une collection inspirée de l’architecture gothique (Automne/Hiver 18-19)

Image de couverture :

Guo Pei, collection Samsara. Source : site internet de la marque (http://www.guo-pei.fr/new-gallery-1)

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