Shanghai, Suzhou, Hangzhou : l’art des jardins en Chine

Emblématiques de la culture de la Chine du Sud, les jardins sont un art à part entière, entretenant des liens forts avec la peinture. Il est de coutume en Chine de dire  » Au ciel existe le paradis, et sur la terre Suzhou et Hangzhou. » Tokonoma est allé visiter certains de ces fameux jardins situés non loin de Shanghai et les décrypte pour vous.

 

 Lieu de recueillement des lettrés

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Le jardin du Maître des filets, Suzhou

Lieux de chasse sous les dynasties Shang et Zhou , les jardins deviennent à partir des Qin puis des Han des lieux de délassement pour les familles impériales et aristocratiques. L’art du jardin s’épanouit ensuite sous les Tang et les Song avant d’atteindre sa pleine maturité sous les dynasties Ming et Qing. Au coeur de l’idéal du jardin chinois se trouve la figure du lettré-fonctionnaire. Personnages centraux de la bureaucratie chinoise, ces hommes pétris de culture classique aiment à se retirer dans le calme des jardins une fois leur tâche accomplie. Cette notion de recueillement est également au coeur de la philosophie confucéenne et taoïste. Ainsi le jardin est envisagé comme un monde idéal, véritable échappatoire aux tourments du monde contemporain. Il est également un moyen de se reconnecter à soi-même au sein d’une nature première. Il ne faut pas oublier que le jardin est non seulement un lieu de promenade et  de recueillement mais aussi un lieu de vie pour le lettré-fonctionnaire. Ainsi le peintre Zhang Daqian a séjourné dans le jardin du Maître des filets à Suzhou pendant cinq années dans les années 1930, avant de partir pour Taiwan. Il conservera toujours une certaine mélancolie en pensant à cette parenthèse idéale au sein du jardin.

 

Une question d’harmonie et d’équilibre

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Jardin Yu, Shanghai.

À l’instar du peintre qui recrée un paysage intérieur sur la soie, le paysagiste imagine un jardin intime et idéal dans l’espace réel. Pour ce faire, un certain nombre de codes sont à respecter. Toujours entourés d’un mur d’enceinte, les jardins classiques chinois tirent parti du terrain sur lequel ils s’épanouissent, sans chercher à le modifier. La profusion des kiosques, pavillons et autres rotondes se fait dans une recherche de diversité, d’harmonie et d’équilibre entre les zones clairsemées et les zones plus denses, la luxuriance de la végétation et le dépouillement, le végétal et le minéral.

Afin de se retirer du monde, le lettré a besoin de calme et de protection. C’est pourquoi l’entrée du jardin est toujours précédée d’un écran parallèle à la porte d’entrée. Cette pratique, héritée de la cosmogonie chinoise, a pour but de protéger des esprits néfastes qui ne se déplacent qu’en ligne droite et sont donc obligés de le contourner.

 

Mise en scène et spectacle au coeur du jardin

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Porte en forme de fleur, Jardin Qiuxia, Jiading, Shanghai

Vous l’avez certainement remarqué si vous avez déjà visité un jardin classique chinois : les portes et les fenêtres adoptent des formes variées. Les formes prises par les portes ont une valeur symbolique : la forme de pêche évoque la longévité et peut faire échos aux pêchers cultivés dans le jardin. De plus, un mur ne comporte toujours qu’une seule porte afin d’augmenter le sentiment d’isolement. Cette dernière est volontairement étroite, ne permettant qu’à une seule personne de passer. L’espace le plus intime du jardin n’est souvent accessible que par une seule entrée. Le sentiment d’isolement est par ailleurs renforcé par les nombreux tours et détours des chemins du jardin.

 

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Fenêtre en forme d’éventail, Jardin Qiuxia, Jiading, Shanghai

La notion de spectacle et de mise en scène est un élément important des jardins classiques chinois dans lequel les fenêtres jouent un rôle essentiel. En effet, elles sont judicieusement percées afin d’orienter l’oeil du promeneur. Elles donnent à voir un angle particulier du jardin réunissant toutes les conditions d’équilibre et d’harmonie, à la manière d’une peinture. La comparaison avec la peinture est d’autant plus pertinente que certaines fenêtres adoptent la forme d’un éventail, l’un des supports de la peinture classique chinoise. Ainsi tout en déambulant, le promeneur est invité à se laisser guider par le jeu des fenêtres et des portes afin de découvrir les secrets du jardins.

 

Le jardin classique chinois est une composante essentielle de la culture lettrée. Envisagé comme une représentation idéale du monde, il est un lieu de recueillement pour les lettrés. Fortement influencé par la pensée taoïste, il répond à des règles précises permettant d’aboutir à l’harmonie et l’équilibre. Nous espérons que cette visite des jardins vous a plu et que la prochaine fois vous visiterez un jardin traditionnel avec un autre regard ! 

 

Pour aller plus loin :

  • Antoine Gournay, « Le système des ouvertures dans l’aménagement spatial du jardin chinois », In: Extrême-Orient, Extrême-Occident, 2000, n°22, l’art des jardins dans les pays sinisés, Chine, Japon, Corée, Vietnam, pp.55-71.
  • Dong Lu, Léon Vandermeersch, « Place des jardins dans la culture chinoise », InExtrême-Orient, Extrême-Occident, 2000, n°22, l’art des jardins dans les pays sinisés, Chine, Japon, Corée, Vietnam, pp.9-15.

Quelques-uns des plus beaux jardins classiques de la Chine du Sud :

 

Photo de couverture : Vue sur le jardin du Maître des filets, Suzhou. 

Crédits photo : Camille Despré 

2 commentaires Ajouter un commentaire

  1. Stephanie dit :

    Merci pour’ce dépaysement chinois cela donne envie d’aller rêver et se promener à shnaghai

    J’aime

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