Le mot « saké » – en français, les Japonais le nomment « nihonshu » – apparaît pour la première fois dans le Kojiki, un des plus anciens textes japonais (vers le VIIIe siècle après J.-C.). Il raconte comment Susanô no Mikoto a vaincu le serpent Yamata no Orochi, en l’enivrant avant de lui trancher ses huit têtes.

Le premier type de saké était appelé « kuchikami no sake » ou le saké que l’on mâche en bouche, on est alors loin de la pratique actuelle consistant à le boire ! Sa fabrication faisait partie d’un rite shintoïste pratiqué jusqu’à peu dans les villages reculés d’Hokkaidô ou d’Okinawa. Pendant le rituel, de jeunes filles vierges, considérées comme des médiums des dieux, mâchaient le riz pour pouvoir en faire du saké. Elles produisaient ainsi le « bijin-shu » ou le saké des belles femmes. Le « kuchikami no sake» est donc un mélange épais de riz frais, de « riz kôji » (riz fermenté) et d’eau dont la texture est proche du gruau.
Pendant les périodes Nara (710 – 794) et Heian (794 – 1185), avec l’intérêt du Japon pour la culture chinoise des Tang, le saké est passé d’un usage rituel à un usage plus social notamment lors de banquets. Deux types de banquets peuvent se distinguer : les banquets officiels, en présence et avec l’empereur, où chacun boit dans la même coupe, et les banquets privés, qui ne sont tenus par aucune étiquette et qui ressemble plus à une beuverie générale… Cela ne signifie pas que l’usage rituel s’arrête, bien au contraire, la cour impériale établit sa propre brasserie afin de réaliser autant de sakés différents qu’il y a de dieux !

On distingue surtout deux types de saké. Le « saké blanc » qui semblent avoir été produit par les femmes de la cour et qui était consommé par l’aristocratie. Et, moins raffiné, le « saké noir », consommé par la population qui était mélangé avec des herbes, des cendres de bois aromatisé et encore ! Cette transformation du saké est rendue possible notamment grâce à l’introduction de techniques de brassage depuis le continent. C’est également à cette période que l’usage de boire du saké chaud pendant l’hiver ou pendant la floraison des cerisiers est adopté au Japon.

Avec le retrait de la cour impériale en 1185, des brasseries indépendantes commencent à se développer. Les temples qui en possédaient déjà en profitent pour étendre leur production, alimentée par leurs récoltes importantes de riz. Des marchés d’alcool émergent sur les esplanades des temples et les premiers établissements publics de consommation de saké apparaissent. Il faut attendre le XVIe siècle pour que les temples mettent au point le saké morohaku, réalisé uniquement à base de grains de riz polis, ce qui permet d’éliminer toutes les impuretés gênant le goût. C’est le Kofukujî, un temple de Nara, qui met au point la technique de brassage moderne en utilisant la pasteurisation près de 300 ans avant sa découverte en France !
Alors que les shoguns Tokugawa (XVIème siècle) ont imposé leurs goûts en octroyant des privilèges à certaines brasseries, la révolution de Meiji (1868 – 1912) marque la disparition des privilèges. Les grandes brasseries se retrouvent plus affaiblies, pour une courte durée car, dès le XIXe siècle, l’échelle de production augmente notamment grâce à la modernisation. Peu à peu les brasseries perdent leurs aspects traditionnels de kura pour celui des brasseries occidentales.

Le brassage du saké s’effectue en trois grandes étapes. En premier lieu vient la préparation du riz qui est poli puis macéré dans de l’eau bouillante chauffée à la vapeur avant d’être refroidi. Ensuite, 30% du riz est placé dans une pièce à 35-40°C où il est saupoudré de spores de kôji. Le tout est malaxé pour obtenir un produit homogène. Enfin, le riz kôji, le riz restant et l’eau sont mélangés pour créer une pâte qui est fermentée pendant une trentaine de jours à haute température, puis pendant cinq semaines à plus basse température. Le goût du saké est obtenue grâce à la double fermentation du kôji et de la levure ! Une fois fermenté le saké est filtré puis laissé à reposer afin que les dernières particules solides tombent au fond de la cuve. Pour finir le saké est pasteurisé puis mis en bouteille.

La modernisation des techniques de brassage permet la création de nouveaux types de sakés. Une des premières différenciation entre ces différents sakés est le pourcentage de riz poli employé (junmai-shu (60% ou plus), ginjô-shu (maximum 60% et utilisation de levure spéciale), honzonô-shu (quantité d’alcool restreinte) etc). Il existe aussi des sakés qui bénéficient de fabrications particulières qu’on nomme « tokubetsu » ou encore des sakés suivant la fabrication traditionnelle mais partiellement filtrés, comme le « nigorizake« .

La consommation de saké ne cesse d’augmenter jusqu’à la fin de la Seconde guerre mondiale et ce malgré l’importation de whisky, de vin, de bière et autres. C’était l’alcool le plus consommé du pays ! Une tendance qui est aujourd’hui inversée. Il existe également un prix en France qui récompense le meilleur saké appelé « kura master ».
Pour en savoir plus :
N’hésitez pas non plus à vous renseigner auprès de la maison de la culture du japon qui organise des sessions de dégustation ou qui peut vous renseigner sur l’ouverture de bars à saké temporaire pour l’évènement « japonisme 2018 » !
Pour les curieux, je vous conseille de lire « Le livre du saké » de Hiroshi Kondo.
Photo de couverture : Utagawa Toyoharu, « Une fête en hiver » (rouleau verticale en encre et couleurs sur soie, fin du XVIIIème-début du XIXème siècle, Freer Gallery of Art. Image : wikicommons)
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