Aujourd’hui nous partons plus à l’ouest que d’habitude, en Asie centrale. Cet hiver, le musée Guimet tente à nouveau de vous faire apprécier l’art contemporain, à l’occasion de sa nouvelle Carte Blanche, confiée à Pascal Convert. En réalité, je vous le dis, cet artiste plasticien va faire « revivre », sous vos yeux, la falaise sculptée de Bâmiyân grâce à son travail de photographie.
Pascal Convert et le devoir de mémoire
Monsieur Convert est un écrivain et plasticien – sculpteur, réalisateur d’installations et vidéaste – français né en 1957. Le cœur de son travail se fonde sur les notions de l’oubli et de la mémoire. C’est ainsi à lui que l’on doit un certain nombre de réalisations commémoratives, tel le Monument à la mémoire des Otages et Résistants fusillés au Mont Valérien entre 1941 et 1944. Il est également l’auteur d’une biographie de Joseph Epstein, membre des Francs-tireurs et partisans fusillé au Mont Valérien en 1944, paru en 2007. Au début des années 2010, il se consacre aussi à la personnalité du résistant Raymond Aubrac, à l’occasion de son décès en 2012. Il réalise enfin des sculptures en cire et en cristal, exposées en France et à l’étranger, notamment au Canada. Jusque là, son travail s’est focalisé sur les stigmates dues à la Seconde guerre mondiale. A l’invitation de l’ambassade de France, en 2016, il se rend en Afghanistan et travaille à commémorer la destruction de la falaise de Bâmiyân.
Le monastère bouddhique de Bâmiyân

Bâmiyân est une ville afghane située au nord-ouest du pays, au pied d’une falaise longue d’un kilomètre et demi. Entre le IIIème siècle et le VIIème siècle, une communauté monastique s’y installe. Cette activité religieuse engendre l’excavation, dans la falaise, de cellules et de salles de prières peintes, ainsi que l’érection d’un Grand Bouddha haut de 53 mètres et d’un Petit (petit!) Bouddha haut de 38 mètres. La vie religieuse semble y être très importante, situé sur le trajet d’influence de la route de la soie, il participe probablement de l’expansion du bouddhisme jusqu’en Extrême-Orient. L’histoire et le rôle de Bâmiyân dans l’histoire du bouddhisme reste encore discuté aujourd’hui. Les statues, de l’école gréco-bouddhique, résistent prodigieusement à tous les aléas de l’histoire : l’invasion de Gengis Khan, et même l’occupation soviétique ! Les grottes excavées protègent les peintures des vents et tempêtes. Elles ne craignent rien jusqu’à la prise de pouvoir des Talibans en 1996. En 2001, un édit condamnant les images figuratives pousse la police des mœurs à organiser une opération de nettoyage culturel. Les statues sont détruites après un mois de bombardement intensif ! Cet événement intervient d’ailleurs tout juste six mois avant la destruction des Twin Towers de New York, le 11 septembre 2001.
Faire renaître Bâmiyân
![IMG_20181016_135755_798[1]](https://tokonomamagazine.files.wordpress.com/2018/10/img_20181016_135755_7981.jpg?w=227&h=378)
Dans la rotonde, vous pouvez découvrir une gigantesque vue panoramique de la falaise, reconstituée par tuilage de plus de 4000 fichiers numériques, d’où l’extrême précision de la vue. N’hésitez pas à vous approcher pour le constater ! Placez-vous au centre de la rotonde, et regardez la falaise, comme si vous y étiez. De l’autre côté de la pièce est accrochée une vue de la Grotte dite des Talibans. On constate que la grotte est recouverte de traces de pas, vestiges du passage des Talibans. Les cellules et salles de prières étaient recouvertes d’images bouddhiques peintes, un danger potentiel aux yeux des Talibans. Dans la rotonde vous trouverez aussi exposés quelques fragments de statues, de style gréco-bouddhique. L’exposition se complète d’un ensemble de photographies de Benjamin Simpson (1831-1923), photographe ayant servi dans l’armée de l’Empire Britannique dans le sous-continent indien. Elles présentent l’Afghanistan de la fin du XIXe siècle, dans les villes fortifiées de Kandahar et Quetta, lors de l’occupation anglaise. Pour cela, rendez-vous au deuxième étage, à l’entrée des salles de la Chine moderne.
![IMG_20181016_135848_929[1]](https://tokonomamagazine.files.wordpress.com/2018/10/img_20181016_135848_9291.jpg?w=216&h=359)
« Il est si facile de pulvériser un corps. Si difficile cependant d’effacer un trou. » (Georges Didi-Huberman). Pour Pascal Convert, son travail photographique à Bâmiyân sonne comme un acte de résistance. Malgré les explosifs, les cavités béantes continuent de témoigner de l’histoire de la région.
Infos pratiques :
Carte Blanche à Pascal Convert : revoir Bamiyan
Du 17 octobre 2018 au 28 janvier 2019
Exposition au Musée national des arts asiatiques – Guimet
6 place d’Iéna 75016 Paris
Ouvert tous les jours de 10h à 18h, fermeture le mardi
Pour aller plus loin :
Le site de l’artiste, ici.
Une vidéo sur le procédé de tirage photographique utilisé, ici (8min).
Un petit reportage sur le projet par TV5 Monde, ici (2min).
Photo de couverture : Pascal Convert, Falaise de Bâmiyân, 2016, tirage contact Platine Palladium sur papier coton. Photo : Eléonore Nancy
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