Le Japon chinois de l’époque Nara

La période Hakuho est finalement une période de transition vers un nouveau Japon ; que nous vous invitons à découvrir maintenant. Période d’apogée politique avec le règne de l’empereur Shomu (724-749), l’époque Nara entre 710 et 794 est aussi une période d’apogée des relations sino-japonaises. L’influence coréenne s’éclipse : ce nouveau Japon se base sur le modèle chinois et irrigue tous les arts, et en particulier l’urbanisme.

 

Heijokyo, l’actuelle Nara

24
Plan schématique de l’ancienne Heijokyo, VIIIe siècle. Domaine publique.

La période précédente a vu une consolidation de la prégnance des apports chinois au Japon. En Chine, la dynastie Tang est à son apogée depuis quelques décennies déjà et sa culture rayonne à travers toute l’Asie orientale. Cette influence au Japon se traduit de façon la plus visible par la construction d’une capitale fixe cette fois-ci. Cette capitale, Heijokyo, est fondée à quelques kilomètres de l’actuelle Nara (région du Kansai), en 710. Son plan se calque très clairement sur celui de la ville de Chang’an, capitale des Tang, la plus peuplée du monde à l’époque parait-il ! Elle est murée, d’une taille bien moindre que Chang’an, mais se caractérise aussi par un plan carré en damier avec de nombreuses rues se croisant perpendiculairement. Un quartier en excroissance existe à l’ouest de la ville. De la même manière, le palais impérial se trouve dans la partie nord de la ville, ouvert en direction du sud.

 

Prolifération de temples et monastères bouddhiques

25
Daibutsuden, Todai-ji, Nara, VIIIe siècle. (CC BY-SA 4.0)

Toujours à l’image de l’empire chinois, des bureaux gouvernementaux sont mis en place afin de contrôler et gérer les constructions de temples et les commandes de sculptures religieuses. Ces commandes explosent en nombre ! L’activité bouddhiste ésotérique à Heijokyo est très importante. C’est l’époque de la construction de grands temples inflluents tels le Kofuku-ji en 710 ou le Todai-ji en 741,

26
Dainichi Nyorai, Nara, 735, bronze, Todai-ji. CC BY-SA 3.0

toujours sous l’influence de la Chine. Le Todai-ji, par exemple, se trouve à l’extérieur de la ville, à l’ouest. C’est une commande impériale, le plus grand temple de la ville ! On imagine assez bien le coût de sa construction, après laquelle on sait que les finances du pays ont été considérablement réduites…   Le Daibutsuden ou salle du Grand Bouddha, au centre du temple, abrite la grande statue de Dainichi Nyorai (Bouddha Vairocana) consacrée en 752. Ses formes pleines et rondes, avec son costume moulant, sont reprises du style du siècle précédent, lui-même issu du continent. Il se maintient dans la sculpture de ces temples.

 

Deux nouvelles techniques de sculpture

27
Asura, daté 734, Nara, laque sèche creuse, H. = 1,53 m, Kofuku-ji. Domaine public

Ces sculptures sont pour certaines réalisées en laque sèche creuse. C’est une technique nouvelle, qui n’aura toutefois pas une grande postérité à cause de son coût et de sa complexité… Pour cette technique, on recouvre un noyau d’argile ou une armature de bois de couches successives de tissus imbibé de laque et de couches d’argile. Cela nécessite un très long temps de séchage. Le rendu est très léger et réaliste mais aussi très fragile et raide ! On observe le réalisme par exemple de l’Asura du Kofuku-ji et notamment de son vêtement ; mais dont les six bras sont très « cassés », comme géométriques.

28
Gakko Bosatsu, milieu du VIIIe siècle, Nara, terre séchée, H. = 2.04m, Hokkedo, Todai-ji. Domaine public

 

 

 

En parallèle se développe la technique de la terre séchée, où l’on recouvre une armature de bois de torchis. On réalise ensuite les détails avec une argile plus fine, avant d’ajouter les couleurs. L’aspect final est moins léger, mais la recherche de réalisme est encore plus importante ! On le constate sur le plissé et le nœud de la ceinture du Gakko Bosatsu (bodhisattva de la lune) conservé au Todai-ji.

 

 

 

Le canon de la Chine des Tang

29
Kichijoten, Nara, VIIIe siècle, peinture sur chanvre, 53×31 cm, Yakushi-ji, Nara. Domaine public

En peinture aussi, l’influence du continent est présente, notamment à travers les canons de représentation des figures humaines de l’époque Tang. Les figures sont habillées à la mode du continent, selon les mêmes codes de figuration. Cette influence se fait plus clairement sentir à travers cette peinture représentant Kichijoten. Son visage rond et poupon, ses sourcils fins et arqués, sa petite bouche rouge et sa longue robe à motifs font directement référence aux peintures et sculptures de beautés chinoises. Elle est très proche, par exemple, de la Dame au chignon à double coque conservée au Musée national des arts asiatiques – Guimet. Néanmoins ce n’est pas une dame de la cour, mais une figure religieuse ! L’ajout de feuille d’or est en revanche d’un goût tout à fait japonais. Les artistes de l’époque ont effectivement pu s’inspirer de modèles chinois peints conservés dans le Shoso-in, la salle du trésor du Todai-ji.

 

Ces influences chinoises dans l’art japonais de l’époque Nara témoignent de l’importance des relations diplomatiques entre l’archipel et le continent. Le Japon est largement ouvert aux apports chinois en matières religieuses, politiques et artistiques. Il devient en ce sens une des extrémités de la route de la soie, route d’influence par excellence. Mais cette situation ne dure qu’un temps. Au tournant du IXe et du Xe siècle, la situation diplomatique entre les deux pays s’altère durablement. L’art japonais s’en trouve bouleversé…

 

Pour aller plus loin

ELISSEEFF, Vadime et Danielle, La civilisation japonaise, Paris : Arthaud, 1987.

SHIMIZU, Christine, L’art japonais, Paris : Flammarion, 2001.

 

Photo de couverture : Vue sur le cloître intérieur, le bâtiment principal (Salle du Grand Bouddha ou Daibutsuden) et le lac. CC BY-SA 3.0

4 commentaires Ajouter un commentaire

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s