L’époque d’Asuka, l’arrivée du bouddhisme au Japon

Dans notre dernier article, nous vous avons parlé du pays de Wa à l’époque des grandes sépultures, qui montre les prémices de la construction d’un Etat. Aujourd’hui, nous allons nous plonger au cœur de l’époque d’Asuka, qui a vu l’introduction au Japon d’une composante essentielle de la culture nippone : le bouddhisme !

L’époque d’Asuka tire son nom d’un petit village du nord de la préfecture de Nara, dans la plaine du Yamato, car dès le début du VIème siècle, des empereurs avaient installé leurs résidences là-bas. Il se trouve qu’au Japon, jusqu’à l’époque de Nara (645-794), la demeure impériale n’est pas fixe et déménage très fréquemment. En effet, d’un règne à l’autre, le centre du pouvoir se déplace : il s’agissait de ne pas rester au contact de la souillure que peuvent engendrer les mauvais présages (invasions d’insectes, foudre…) et la mort !

L’époque d’Asuka est une période assez courte, puisqu’elle s’étend de 552 à 645. Elle n’en constitue pas moins une période déterminante de l’histoire du Japon ! C’est l’an 552 (ou 538 selon les chroniques du Gangō-ji) qui marque l’arrivée officielle du bouddhisme dans l’archipel nippon.

L’influence de la Corée

Tout au long de l’époque d’Asuka, l’histoire politique de la Corée ponctue l’histoire culturelle japonaise. En effet, au VIème siècle, la péninsule coréenne, alors divisée en trois royaumes (Koguryo, Paekche et Silla), est en proie à des luttes intestines permanentes. Le Paekche, de plus en plus menacé par le Koguryo, cherche l’appui de l’empereur japonais ; émissaires et cadeaux se succèdent ainsi à la cour du Yamato. En 552, le roi du Paekche envoie à l’empereur Kinmei une sculpture de Bouddha en or et cuivre. Puis, voyant que le présent est plutôt bien reçu, le Paekche réitère ce genre d’envoi, et missionne des moines qui emportent avec eux divers ouvrages doctrinaux dans l’archipel japonais. C’est ainsi que le bouddhisme s’implante de plus en plus solidement dans la culture nippone, notamment grâce au clan des Soga, proche de l’empereur, qui joue un rôle très important dans le développement d’une communauté bouddhique au Japon.

Mais bien sûr, l’installation du bouddhisme ne se fait pas sans résistance… Et cette dernière est principalement incarnée par le clan Mononobe, fervent partisan du shintoïsme. Dès 585, une lutte ouverte éclate entre les Soga et les Mononobe. Cet affrontement se solde par la victoire du clan Soga suite à la mort du chef du clan Mononobe en 587. Le triomphe des Soga s’incarne dans l’avènement de l’impératrice Suiko qui nomme son neveu, le prince Shōtoku Taishi, régent. Le règne de ces deux personnages marque alors pour le Japon le début d’une ère de réforme sur le modèle chinois

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Prince Shotoku en sa 35ème année exposant les écritures, bois polychrome, 88cm
Musée National des Arts Asiatiques — Guimet

La Chine pour modèle

L’introduction du bouddhisme au Japon, c’est le moment où l’archipel nippon va adopter et adapter la culture coréenne, mais aussi la culture chinoise. D’abord, la diffusion du bouddhisme se fait en langue chinoise. Et ce n’est pas pour rien que le régent Shōtoku Taishi impose la doctrine bouddhique comme religion d’Etat : c’est un acte politique fort qui s’inscrit dans son projet d’alignement de la société japonaise sur la société chinoise des Sui puis des Tang (618–907). Pour accompagner cette démarche, Shōtoku Taishi dépêche de nombreuses ambassades en Chine ; en retour, nombre de lettrés et moines chinois vont se rendre au Japon, beaucoup vont même s’y installer définitivement. Ce sont des mouvements de population importants pour le développement d’un art bouddhique au Japon, car qui dit nouveau culte dit nouveaux modèles (et donc besoin de personnes maitrisant ces nouveaux codes) !

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Sutra du Lotus qui aurait été recopiée par Shōtoku, début du VIIème siècle, Collections impériales

Les débuts de l’art bouddhique

Le développement d’un art bouddhique au Japon est marqué par l’influence de la Corée et de la Chine. En effet, on sait que les premiers temples ont été réalisés à partir des plans d’émigrés coréens. La présence de ces artistes dans l’archipel nippon permet au Japon de faire des progrès conséquents et rapides dans l’apprentissage de nouvelles techniques architecturales. L’un des premiers temples à présenter toutes les caractéristiques qui seront reprises ultérieurement est le Hōryū-ji. Ce temple, inspiré de l’architecture coréenne, est organisé au centre d’une enceinte qui regroupe divers bâtiments, les plus importants étant la porte centrale, la pagode, la salle d’or et la salle de lecture. Le développement de cette architecture est assez rapide et très vite le Japon se couvre de nombreux temples et monastères. Maintenant, il s’agit de décorer ces tout nouveaux lieux de culte ! Et là encore, la venue d’artistes étrangers va accélérer les choses.

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Pavillon d’or et pagode à cinq étages, Hōryū-ji, Ikaruga (préfecture de Nara)

Ce qui caractérise la sculpture d’Asuka, c’est sa référence aux modèles chinois (influence de la grande statuaire rupestre des grottes de Yungang et de la statuaire en bronze des Wei du Nord) transposés par des artistes coréens et transmis au Japon. Les principaux commanditaires de l’époque sont des grandes familles, telles que le clan Soga, qui souhaitent doter leurs temples privés d’images de culte. C’est par ce biais que se distingue une école de sculpture importante, l’école Tori, dont l’une des œuvres majeures a été commanditée par l’impératrice Suiko pour son neveu Shōtoku Taishi qui était malade. Cette offrande en bronze connue sous le nom de Triade de Shaka est conservée au Hōryū-ji à Nara. Pour isoler des caractéristiques stylistiques, on peut faire attention à plusieurs choses. D’abord, les plis du vêtement, qui tombent ici régulièrement avec une forme très particulière dite de trou de serrure. Ensuite, il s’agit de faire attention aux visages de la sculpture et aux traits qu’ils présentent. Ici, on a des visages à l’aspect géométrique. A partir de ces quelques observations, vous pouvez observer et apprécier les caractéristiques de l’école Tori !

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Triade de Shaka, bronze, Hōryū-ji (préfecture de Nara)

Les principes stylistiques mis en place aux VIe—Ve siècles vont connaître une certaine postérité même si l’époque d’Asuka s’achève avec la fin de la prépondérance du clan Soga à la cour. De fait, en 644 a lieu un coup d’État, ce qui chamboule l’échiquier politique à la tête duquel va s’élever en 645 un empereur, Kōtoku, qui entreprend une grande réforme administrative visant à la centralisation du pouvoir impérial. Rendez-vous dans notre prochain article de cette série pour en savoir plus !

 

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