Tokonoma démarre avec cet article une nouvelle série consacrée aux empereurs ayant marqué la Chine. Prêt à remonter plus de 2000 ans en arrière pour découvrir l’époque du Premier Empereur, Qin Shi Huang ?
« Le chancelier Li Si dit : Moi, votre serviteur, vous propose que tous les récits des historiens autres que ceux de l’État de Qin soient brûlés. À l’exception des lettrés dont la charge inclut la possession de livres, si quiconque sous le ciel a des copies […] des écrits des cent écoles de pensée, il devra les remettre au gouverneur ou au commandant pour être brûlés. Quiconque parlant de ces livres sera exécuté en public. Quiconque utilisera l’histoire pour critiquer le présent verra sa famille exécutée. […]»
Extrait du Shiji史记, par Sima Qian司马迁, historien officiel de la dynastie Han 汉朝 (206 av. – 220 de notre ère).
Avec cette citation, vous voilà plongé directement dans l’époque du terrible Premier Empereur.
L’impitoyable Qin Shi Huang
L’Empereur Qin Shi Huang 秦始皇, de son vrai nom Ying Zheng 嬴政, est né en 259 avant notre ère. Il hérite en 247 avant notre ère de l’un des sept royaumes qui divisaient alors la Chine. Ying Zheng écrase les princes des six autres royaumes rivaux les uns après les autres et unifie la Chine pour la première fois en 221 avant notre ère. Il devient alors le premier empereur de Chine, fondateur de la dynastie Qin 秦朝 (221-207 avant notre ère).

Paranoïaque et sanguinaire, il détruit le système féodal et lutte contre les intellectuels de son temps, gardiens des valeurs traditionnelles. C’est ainsi qu’en 213 avant J.-C, il autorise le Premier ministre Li Si 李斯 à faire brûler tous les livres, dans le but de renforcer le contrôle idéologique et l’opinion publique. Parmi cet autodafé, se trouvent notamment les monographies des six autres royaumes et les écrits des différentes écoles intellectuelles, dont les œuvres de Confucius孔子 et de Mencius孟子, datant de la période des Royaumes Combattants. L’année suivante, Qin Shi Huang, critiqué pour sa tyrannie et sa cruauté, fait enterrer vivants plus de 460 lettrés. Ces deux événements ont reçu dans l’histoire l’appellation de « brûler les livres et enterrer vivants les lettrés» ou «焚书坑儒 » (fén shū kēng rú).
Les grands travaux du Premier Empereur
- Un exemple du xiaozhuan ©wikicommons
Malgré sa terrible réputation, Qin Shi Huang a tout de même entrepris de grands travaux de modernisation de l’empire. Il ordonne ainsi d’unifier l’écriture chinoise. Le xiaozhuan 小篆 (petite écriture sigillaire) plus ou moins simplifiée, est le premier style à être utilisé comme écriture officielle du pays. Plus tard, le lishu 隶书 (écriture des scribes) , écriture plus simple que le xiazhuan, fait son apparition. C’est de ce dernier qu’est dérivé le kaishu 楷书, (écriture régulière) qui est le style couramment utilisé à l’heure actuelle. L’unification de l’écriture eut pour effet de favoriser les échanges culturels entre les différentes régions de la Chine nouvellement unifiée.
La dernière demeure de Qin Shi Huang
Concernant sa découverte, la version officielle du gouvernement de Mao Zedong 毛泽东est qu’en 1974 lors d’une sécheresse, les paysans de la région de Xi’an ont percé des puits et ont butté sur un morceau de terre cuite. La nouvelle remonte aux chefs du village, puis à la ville, puis à la capitale. Le chantier est ensuite repris par des archéologues qui mettent au jour le mausolée du premier empereur, non fouillé par respect. 600 fosses d’accompagnement du défunt sont ensuite repérées en 2008.

Ils auraient été plus de 7000 à avoir accompagné leur maître dans l’au-delà. Selon la coutume, le seigneur devait être entouré pour son dernier voyage de ses proches et serviteurs. Mais heureusement pour tous, Qin Shi Huang, qui pouvait, selon la légende, compter sur un million de fidèles pour mener ses guerres, n’a pas été jusqu’à ordonner la mort de tous ses soldats. On suppose tout de même que quelques dizaines, voire centaines de concubines ont été ensevelies quelque part. Les hommes de guerre ont échappé à ce sort et ont été « simplement » modelés dans la terre cuite de la région.
Concernant l’organisation de la tombe et des différentes fosses l’accompagnant, les corps d’armée sont spécialisés, avec d’un côté les fantassins, de l’autre les archers et arbalétriers. On dénombre près de six cent chevaux sculptés, de race Prejvalski, avec leur harnachement et parfois leur char. Tous les soldats sont disposés en ordre de bataille parfait, orientés vers l’ouest pour protéger le tombeau auquel ils tournent le dos.
Peu populaire, Qin Shi Huang meurt en 210 avant notre ère et est l’avant dernier Empereur de la très courte dynastie des Qin. Malgré son terrible caractère, il réunit la Chine pour la première fois et jette les bases d’un ordre impérial qui durera un peu plus de deux mille ans.
En savoir plus :
- Souvent dans les articles journalistiques, l’empereur Qin Shi Huang se voit doté du suffixe « di » à la fin : Qin Shi Huangdi. Attention, c’est une répétition du titre « empereur », il ne sert à rien de l’ajouter !
- Un livre facile à lire sur le premier empereur de Chine : Thierry François, La ruine du Qin, Ascension, triomphe et mort du premier empereur de Chine, La Librairie Vuibert, 2013.
Courte bibliographie :
- D. Elisseeff, La Chine, du Néolithique à la fin des Cinq Dynasties (960 de notre ère), Manuels de l’Ecole du Louvre, 2008
- J. Gernet, Le Monde chinois – Tome 1. De l’âge de bronze au Moyen Âge, Armand Colin Éditeur, 1975
- Sima Qian, Mémoires Historiques, traduction et annotations d’Edouard Chavannes, Librairie d’Amérique et d’Orient Adrien Maisonneuve, 1967
- L. Van Falkenhausen, Les soldats de l’éternité, Pinacothèque de Paris, 2008
Illustration de couverture : Clémence Trossevin.
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