Cher lecteur, aujourd’hui ton serviteur expatrié chez nos voisins les Anglais te propose de découvrir le peuple scythe, à travers un petit compte-rendu de l’exposition du British Museum « Scythians: warriors of ancient Siberia » qui, du 14 septembre 2017 au 14 janvier 2018, leur était consacrée. L’exposition explore le mode de vie et les productions scythes grâce à des témoignages matériels issus de différents sites (#jeudemots) majeurs comme Pazyryk, Arzhan, Issyk, Sagyr et Kul’Oba. Du pantalon en peau de chèvre à la plaque de ceinture en passant par un sac à fromage (ceci n’est pas une blague), vient passer un moment dans le vent des steppes eurasiennes.

Tu peux d’abord légitimement te demander pourquoi je te parle des Scythes dans un magazine consacré à l’Extrême-Orient. Et bien parce que cette confédération de tribus nomades qui a existé entre 900 et 200 av. J.-C. occupait un vaste territoire, allant de l’Oural au Xiangjiang et de la Sibérie aux frontières grecques. Les Scythes étaient ainsi en contact avec les Chinois, et sont considérés comme une partie des ancêtres des peuples Xiongnu et Mongols. D’ailleurs, de nombreux aspects de la vie des Scythes, comme la consommation de koumiss (lait de jument fermenté), l’art équestre ou encore l’élevage, sont encore bien présents dans la vie de peuples aux frontières de l’Extrême-Orient et en Asie centrale. Et puis bon les Scythes sont surtout un peuple passionnant !

Mais pourquoi donc, te dis-tu alors, si les Scythes sont si cool (quelle belle allitération !) n’en ai-je pas entendu parler avant ?! Pour répondre à cette question il faut se pencher sur la nature des vestiges trouvés. En raison de la nature nomade et de l’absence de textes des Scythes, les traces qu’il nous reste de ces tribus sont essentiellement des contenus de tombes. Or, il est bien plus difficile d’en apprendre sur une culture lorsque ses seuls témoignages sont des objets éparpillés sur l’ensemble de la steppe eurasienne, que quand on est bavard comme un Grec ou un Chinois.

Mais, et c’est là une chance, beaucoup de ces tombes Scythes sont fort bien conservées grâce aux conditions de températures et d’humidité dans ces zones, et grâce à leur enfouissement (merci le permafrost). Cela nous a notamment permis de retrouver des cercueils en bois, des écorces d’arbres ornant les parois des tombes et, ô miracle ! Des tissus, comme ce sac à fromage trouvé dans la tombe 2 de Pazyryk (je vous avais bien dit ce n’était pas une blague).
Mais alors, qu’ont en commun toutes ces tribus ? Notamment le fait qu’elles parlaient un dialecte iranien et partageaient un même mode de vie. Et tu t’en doutes, l’une de leurs caractéristiques majeures est l’utilisation d’objets adaptés au nomadisme dicté par l’élevage, c’est-à-dire des objets petits et fait pour durer.

Cela va bien-sûr de pair avec toute une production liée à l’art équestre, les chevaux étant pour eux un moyen de transport, de faire la guerre et de commercer. Les Scythes ont ainsi inventé et amélioré des techniques de monte, et les nombreux squelettes de chevaux retrouvés dans les tombes montrent les liens forts qui existaient entre les hommes (ou les femmes) et leur montures. Les chevaux enterrés avec leurs propriétaires sont parfois retrouvés portant des masques, les transformant en animaux mythiques et fantastiques. On pensaient qu’ils pouvaient alors porter le défunt dans sa vie après la mort.
Enfin, l’exposition aborde également les techniques guerrières caractéristiques de ces peuples des steppes. Lances, épées et boucliers sont exposés, mais c’est bien sûr l’archerie montée qui caractérise les Scythes, avec leur redoutable arc à double courbure. Instant féministe : notons que chez les Scythes hommes et femmes maîtrisaient parfaitement l’art équestre et l’archerie, au moins pour la chasse et pour être capable de défendre les siens. La preuve est donnée par la présence d’armes dans les tombes féminines, et par des corps retrouvés habillés et parés pour la bataille.

Cet art de la guerre ne doit pas nous faire oublier le grand raffinement et la richesse de ce peuple, comme peuvent le montrer les somptueuses plaques décoratives de ceinture retrouvées dans plusieurs tombes, telles que cette plaque en or représentant deux archers dos à dos. Notons la finesse des détails des cheveux et des pantalons, sachant que cet objet ne doit pas faire plus de cinq ou six centimètres de haut.
Autre point majeur, souligné dans la seconde partie de l’exposition : les relations qu’entretenaient les Scythes avec leurs voisins de tous horizons.

On a ainsi trouvé dans une tombe une épée de forme traditionnelle, mais décorée de deux têtes de bouc sur le pommeau, motif de tradition Perse. Les Chinois ne sont pas en reste, puisque les archéologues ont retrouvés dans des tombes scythes des vêtements de soie aux motifs chinois, et d’autres fabriqués avec du coton provenant de Chine. Finalement, évoquons les Grecs, avec des motifs de palmettes apparaissant sur des objets typiquement scythes, ou encore avec ce gobelet en or. Retrouvé sur les rives de la mer Noire, il illustrerait un mythe grec donnant une origine légendaire aux Scythes, descendants de l’un des fils d’Héraclès, le seul ayant réussi à bander l’arc de son père.

L’exposition se conclut par un chapitre intitulé « Après les Scythes », nous rappelant qu’ils sont les ancêtres de cultures majeures comme les Huns, les Turcs et les Mongols !
Voilà, j’espère que tu appris deux ou trois trucs et que maintenant tu ne vois plus l’Asie centrale comme une grande zone de rien, mais parcourue d’hommes et de femmes chevauchant à bride abattue vers d’autres horizons ! (#clichéspotted)
Pour aller plus loin :
Une vidéo d’archerie à cheval sur la chaîne Youtube de Mike Loades, historien spécialisé dans l’armement et l’archerie. Il a aussi un site.
Un récit de voyage par Sylvain Tesson et Priscilla Telmon, La chevauchée des steppes. Les auteurs racontent leur traversée à cheval de la steppe eurasienne pendant six mois, de la Chine à la mer d’Aral.
Un article rigolo sur le blog du British Museum, comparant les Scythes aux fiers Dotrakhi de Game of Thrones !
Image de couverture : Steppe © The State Hermitage Museum, St Petersburg, 2017. Photo : V Terebenin
Toutes les images présentées ici sont issues du site du British Museum.
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